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- Editorial par le Dr. Jean-Paul Mullier
- Les Maîtres chanteurs à l’origine du naturalisme français ? par Michela Niccolai
- L’exemple d’Alfred Bruneau et Gustave Charpentier
- Les Maîtres Chanteurs ou le triomphe de l’art populaire
- La fusion de l’idéal et de la réalité
- Une oeuvre de réalisme et de rêve à la fois.
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- Réception des Maîtres chanteurs de Nuremberg lors de la création de l’oeuvre en langue française à la Monnaie de Bruxelles, le 7 mars 1885 par Charles Vael.
- Revue de presse
- Contexte.
- L’avant scène : la presse annonce la représentation
- Critiques et comptes-rendus de la représentation.
- Quelques remarques complémentaires à propos des décors, costumes et mise en scène
- Traduction
- Conclusion
- Réception des Maîtres chanteurs de Nuremberg lors de la création de l’oeuvre en langue française à la Monnaie de Bruxelles, le 7 mars 1885 par Charles Vael.
- Bayreuther Festspiel 2015
Les Maîtres chanteurs à l'origine du naturalisme français ? : Introduction
Wagner a influencé de façon déterminante la musique française de la deuxième moitié du XIXe siècle. La production musicale et la pensée du compositeur allemand ont donné lieu en France à une réception extrêmement complexe, qui génère souvent des réélaborations originales répondant ainsi à la crise du système opératique de l’époque. Depuis la première représentation de Tannhäuser à Paris (1861) le choix s’impose ; face au phénomène-Wagner il faut se positionner : en faveur ou contre.
D’un point de vue musical, le modèle établi par le génie allemand devient une référence, une réalité qui permet aux compositeurs français de se définir, de bâtir leur système théâtral propre à partir des positions que Wagner a le premier établies. Les questions qui animent le débat, dès la fondation de la Revue wagnérienne (1885) par Édouard Dujardin, sont nombreuses : continuer la voie inaugurée par le compositeur allemand ou se distinguer en suivant un autre chemin? Assimiler et réélaborer le modèle wagnérien devient un objectif à atteindre.
L’adjectif « wagnérien » et le terme « wagnérisme » apparaissent constamment dans la presse de l’époque, gardant souvent une nuance religieuse, celle d’une présence presque sacrée qui inspire la production artistique française. Toutefois, le sens du mot « wagnérisme », naturellement voilé d’ambiguïté, a évolué dans le temps, s’ouvrant à une multiplicité de signifi cations qui, au-delà du seul domaine musical,
touchent directement la « fonction, la structure et l’esthétique de l’opéra par rapport à son contexte social. [...] Ainsi, le wagnérisme, en tant que phénomène de transfert culturel, ne se définit pas seulement par les contenus artistiques mais aussi par un mode de discours inséparable et la portée politique de celui-ci ».
L’influence wagnérienne dans plusieurs domaines artistiques — la littérature, les arts visuels, la musique et le cinéma — a poussé Jean-Jacques Nattiez et Annegret Fauser a considérer le wagnérisme comme un phénomène polymorphe.
[C’]est sans doute une erreur de parler de « wagnérisme » au
singulier, comme on le fait généralement. Le wagnérisme est
pluriel, d’abord parce que l’impact de Wagner s’est manifesté
aussi bien dans la littérature, les arts plastiques, la pensée,
la culture, la politique, que dans la musique et les opéras.
Je distinguerai, par commodité, en parlant à propos des premiers
de « wagnérismes culturels » et, pour les seconds, de
« wagnérismes musicaux ». Mais on ne peut pas aborder les
uns sans les autres […]. Le wagnérisme est encore pluriel
parce qu’on ne saurait parler de lui comme d’une entité homogène.
En fait, chacun des créateurs et des compositeurs que
l’on peut ranger sous l’étiquette de « wagnérisme », choisit,
dans le vaste univers wagnérien, des aspects particuliers qu’il
privilégie et développe. Le wagnérisme est pluriel, enfi n, parce
que l’impact de son œuvre prend des formes variées selon les
cultures et les époques : l’histoire des wagnérismes est aussi
celle de la réception de Wagner dans des contextes politiques et
culturels spécifiques.
C’est suivant cette défi nition de « wagnérisme pluriel » que, dans la présente contribution, nous essayerons d’esquisser l’impact que Wagner a eu dans le naturalisme français. La production des deux plus fervents compositeurs naturalistes, Alfred Bruneau et Gustave Charpentier, est ainsi abordée — tant dans leur activité de critiques musicaux que dans celle proprement musicale — afin de comprendre « quel » Wagner a été à l’origine de leur poétique commune.
Parmi les nombreux opéras de Wagner, Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg occupent une place particulière dans les affirmations et les choix musicaux de Bruneau et Charpentier. Dans le paragraphe de son article intitulé « Éclatement de l’influence wagnérienne », Nattiez continue en affirmant que « les compositeurs à la personnalité la plus forte vont assimiler des traits de l’écriture wagnérienne, sans pour autant ‘faire du Wagner’» Certes, d’un point de vue stylistique, la présence du leitmotiv côtoie « le style de Massenet, dans un contexte dramatique qui n’est plus celui des mythes et légendes chers à Wagner, mais celui d’un monde réaliste inspiré des préoccupations sociales de Zola […] », affirmation qui explique clairement l’attitude des deux compositeurs français. Si la théorie du Naturalisme au théâtre de Zola devient le modèle à suivre, Wagner reste le point de repère pour la « conception musicale du sujet » 12, pour reprendre les mots de Paul Dukas, qui détermine une « physionomie toute nouvelle » du spectacle lyrique dans laquelle l’art populaire a une position de premier plan. Le modèle wagnérien fi ltré dans une perspective zolienne devient la base de ces nouveaux raisonnements dramaturgiques : nous montrerons donc comment les Maîtres Chanteurs représentent la racine commune du parcours musical élaboré par Bruneau et Charpentier.
Michela NICCOLAI
Réception des Maîtres Chanteurs de Nuremberg lors de la création de l’oeuvre en langue française au Théâtre de la Monnaie à Bruxelles, le 7 mars 1885 : Introduction
Voici cent trente ans, la création des Maîtres chanteurs de Nuremberg à la Monnaie, le 7 mars 1885, toute première représentation de l’oeuvre en langue française, s’inscrivit, selon les chroniqueurs de l’époque, comme date marquante de la vie musicale, tant à Bruxelles qu’à Paris.
Cette création belge précédait de près de douze ans une première en France, à Lyon,le 31 décembre 1896, et une création parisienne au Palais Garnier le 10 novembre 1897.
À Bruxelles, elle succédait à d’autres premières wagnériennes. La scène bruxelloise s’était en effet déjà distinguée précédemment en proposant à son public les créations en français de Lohengrin, le 22 mars 1870, et du Vaisseau fantôme, le 6 avril 1872. La traduction des livrets était à chaque fois due à Charles Nuitter Tannhäuser avait également eu droit aux feux de la rampe de l’Opéra bruxellois en février 1873.
Signalons au passage que la Monnaie ne s’était pas cantonnée à ces premières wagnériennes. Elle avait aussi révélé en langue française des opéras qui n’étaient connus que dans leur version originale : Aïda, le 24 décembre 1871, ou encore Méphistophélès de Boïto, le 19 janvier 1883, en constituent les exemples les plus marquants.
Créer en langue française Les Maîtres chanteurs de Nuremberg, quasi deux ans après le décès de Richard Wagner à Venise (13 février 1883), constituait à nouveau pour le Théâtre de la Monnaie une première exceptionnelle. C’était en tout cas un défi , en raison à la fois du contenu très germanique – Maurice Kufferath parla de « poème familier au génie germanique, inconnu au monde latin qui en attend la révélation » – et du contexte polémique dans laquelle cette première s’inscrivait désormais .
Charles VAEL