A propos
Un dossier préparé par Benoit van Langenhove.
Présentation
Titre original : Rienzi, der letzte der Tribunen, Grosse tragische Oper in fünf Akten
Titre francophone : Rienzi, le dernier des Tribuns
Livret et musique de Richard Wagner
Référence catalographique Wagner-Werk-Verzeichnis : WWV 49
Rédaction du livret : juin – juillet 1837
Composition de la musique : été 1838 – novembre 1840
Source littéraire principale du livret :
Rienzi, the Last of the Tribunes (1835), roman d’Edward Bulwer-Lytton
Création : Königlich Sächsisches Hoftheater, Dresde, 20 octobre 1842, sous la direction de Carl Gottlieb Reissiger.
Création en français : Théâtre Lyrique, Paris, 6 avril 1869 sous la direction de Jules Pasdeloup.
Distribution
Cola Rienzi, päpstlicher Notar / Cola Rienzi, notaire du pape (ténor)
Irene, seine Schwester / Irène, sa soeur (soprano)
Steffano Colonna, Haupt der Familie Colonna/ Stefano Colonna, chef de la famille Colonna (basse)
Adriano, Steffanos Sohn / Adriano, son fils (soprano)
Paolo Orsini, Haupt der Familie Orsini / Paolo Orsini, chef de la famille des Orsini (basse)
Kardinal Orvieto, päpstlicher Legat [à partir de 1842 Raimondo] / Cardinal Orvieto, légat du pape [à partir de 1842 Raimondo] (basse)
Baroncelli, römischer Bürger / Baroncelli, citoyen romain (ténor)
Cecco del Vecchio, römischer Bürger / Cecco del Vecchio, citoyen romain (basse)
Ein Friedensbote / Le messager de paix (soprano)
Ein Herold / Un héraut (ténor)
Der Gesandte Mailands / L’ambassadeur de Milan (basse)
Die Gesandten der lombardischen Städte / Les ambassadeurs de la Lombardie (ténors et basses)
Der Gesandte Neapels / L’ambassadeur de Naples (ténor)
Die Gesandten Böhmens und Bayerns / Les ambassadeurs de Bohème et de Bavière (basses)
Römische Nobili, Anhänger der Colonna und der Orsini, Priester und Mönche aller Orden, Senatoren, Bürger und Bürgerinnen Roms. Friedensboten, Römische Trabanten / Nobles romains, partisans des Colonna et des Orsini, prêtres et moines de tous les ordres, sénateurs, citoyens et citoyennes de Rome, messagers de paix, soldats romains (chœurs).
Personnages de la pantomime (acte II) : Collatinus, Lucretia, Virginia, suivantes de Lucretia, Tarquinius, soldats de Tarquinius, Brutus, amis de Collatinus, jeunes Romains, chevalier, la déesse de la Paix.
Orchestration
Vents
1 piccolo,
2 flûtes,
2 hautbois,
2 clarinettes,
3 bassons,
1 serpent (ou contrebasson).
Cuivres
4 cors,
4 trompettes,
3 trombones,
1 ophicléide (ou tuba).
Percussions
Timbales,
tambour,
triangle,
cloches,
tam-tam.
Cordes
Harpe,
violons,
altos,
violoncelles,
contrebasses.
Musique de scène
Orgue,
cloche,
trompette
IIIe acte
12 trompettes,
6 trombones,
4 ophicléides,
10 caisses claires
4 caisses roulantes
3 piccolos,
6 cors,
machine à vent,
tam-tam.
Durée : à la création : près de 6 heures – selon éditeur (Schott) : 4h45
Texte du livret sur OperaGlass : Rienzi, der letzte der Tribunen (allemand)
Partition (partielle) sur IMSLP : Rienzi WW49
Synopsis
L’action se passe à Rome au milieu du XIVe siècle.
La ville est déchirée par les conflits entre familles patriciennes, en particulier les Orsini et les Colonna, factions rivales représentées par leurs chefs respectifs Paolo Orsini et Steffano Colonna.
Acte I
Rome, une rue qui donne sur la basilique de Saint-Jean de Latran.
Une nuit, les partisans de la famille Orsini sous la direction de Paolo essaient d’enlever la belle Irène. Cette dernière est la sœur de Cola Rienzi, notaire du pape. Les assaillants sont interrompus dans leur tentative par le fils de Colonna, Adriano, et ses partisans des Colonna. S’ensuit une violente bataille à laquelle le peuple finit par être mêlé. Le cardinal Raimondo, légat du pape d’Avignon, tente en vain d’appeler les belligérants à la raison. L’intervention d’Adriano Colonna, amoureux d’Irène, la sauve de ses ravisseurs, mais seule l’arrivée de Rienzi parvient à ramener l’ordre. Raimondo et les patriciens s’étonnent du charisme de ce dernier. Fatigué par les luttes intestines entre les factions de la noblesse, le peuple demande à Rienzi de prendre le pouvoir et de rétablir la paix et de faire revenir le Saint-Siège. Rienzi refuse la couronne royale qui lui est offerte et prend le titre de « protecteur des droits », de tribun du peuple.
Acte II
Au Capitole.
Rienzi a vaincu les nobles et rétablit la paix. Si les nobles ont reconnu les nouvelles lois, l’orgueil du tribun leur inspire l’idée d’un complot. Au cours d’une grande cérémonie, à l’occasion de laquelle il reçoit les messagers de paix venus de toute l’Italie, d’Allemagne et de Bohême, il conteste les modalités de l’élection de l’empereur par les princes allemands et soulève ainsi l’enthousiasme du peuple de Rome. L’assemblée assiste ensuite à une longue pantomime sur « le rapt de Lucrèce ». À l’issue de cette dernière, Orsini tente d’assassiner Rienzi. Adriano s’interpose et l’arme glisse sur la cotte de mailles du tribun. Les parjures sont arrêtés et condamnés à mort, mais le tribun accède alors à la supplique d’Adriano et d’Irene, et accepte de gracier ses ennemis, à la grande déception du peuple qui ne comprend pas pourquoi la loi ne leur est pas appliquée. Ces agissements renforcent la colère des nobles tandis que le peuple commence à douter de Rienzi.
Acte III
Sur la grande place de l’antique forum
Le peuple en émoi vient d’apprendre que les nobles se sont parjurés, ont quitté Rome et s’apprêtent à attaquer la ville. Rienzi, qui se voit reprocher de les avoir graciés doit déployer tout son talent oratoire pour rallier, une fois de plus, le peuple à sa cause. Pris dans un conflit entre son amour pour Irene et ses devoirs filiaux, Adriano tente en vain de concilier les parties adverses. Irène le dissuade de prendre part aux côtés de son père. Les troupes de Rienzi ont lancé l’offensive. On entend bientôt le chant victorieux et les sonneries festives des trompettes. Le tribun revient vainqueur et est porté en triomphe par la foule. Lorsqu’on apporte les cadavres Paolo Orsini et Steffano Colonna., un sentiment d’effroi s’empare de la foule, tandis qu’Adriano jure de venger la mort de son père, tombé durant l’affrontement.
Acte IV
La nuit sur une place devant l’église du Latran.
Rienzi a de nouveau perdu la confiance du peuple. Des citoyens critiquent, à la nuit tombée, l’exercice démagogique du pouvoir par le tribun qui cherche à s’allier à la noblesse et provoque un conflit avec l’Église et le pape. Baroncelli essaie de la gagner à la cause des adversaires du tribun, dont Adriano prend la tête. La décision est prise de l’assassiner. Le jour se lève. Rienzi arrive en tête d’un cortège solennel pour assister à un Te Deum donné en son honneur dans la basilique Saint-Jean-de-Latran. La foule le menace, mais, grâce à un habile discours, il parvient à la reconquérir. Arrivé au pied de l’église, les portes se ferment devant lui, et le cardinal Raimondo affiche la bulle du pape : Rienzi est mis au ban de l’Église. La foule se détourne du tribun et s’enfuit. Tous se détournent de Rienzi, à l’exception de sa sœur Irène, qui demeure à ses côtés contre le gré d’Adriano.
Acte V
Une salle du Capitole
Reclus au Capitole, Rienzi, agenouillé devant un petit autel, implore Dieu de ne pas l’abandonner. Irène entre. Rienzi lui confie qu’il a toujours voulu l’élévation du peuple et qu’il n’a jamais eu d’autre fiancée que Rome. Irène lui assure de son indéfectible fidélité. Le Capitole est pris d’assaut par la foule qui livre le bâtiment aux flammes. Adriano tente de convaincre Irène à le suivre. La foule se précipite avec torches et flambeaux afin de tuer un Rienzi désormais banni. Le tribun se montre, mais ses discours n’ont plus d’effet. Les murs du bâtiment s’écroulent sur lui, ensevelissant en même temps Irene et Adriano, revenu pour tenter de sauver sa bien-aimée. Au même moment, les nobles portent une attaque violente contre le peuple.
Résumé d’après
- Boukobza, Jean-François, Argument In Wagner : Rienzi. L’Avant-scène opéra, septembre 2012, n°270, p.10-11
- Candoni, Jean-François, Rienzi In Picard, Timothée (dir.). Dictionnaire encyclopédique Wagner. Actes Sud, 2010, P. 1814-1815.
- Rienzi, [en ligne]. Wikipédia, l’encyclopédie libre, 2017. [Consultation 07-01-2017] https://fr.wikipedia.org/wiki/Rienzi
L’œuvre
« Les créateurs comme Wagner portent deux temps en eux : leur longue histoire et le raccourci des siècles. Rienzi est ainsi le témoin des apports que Wagner a d’abord assimilés avant de s’y poser, opéra après opéra sur son propre génie »[1].
Paris est la capitale qui fascine. En 1836, pour s’y faire remarquer, Wagner essaie d’obtenir, après lui avoir envoyé un synopsis de l’opéra La Noble fiancée, l’aide d’Eugène Scribe. Sans réponse du librettiste français, il décide d’écrire lui-même un livret, d’atteindre, par son seul art, la poésie. Son choix se porte sur un roman anglais d’Edward Bulwer Lytton, Rienzi, ou le dernier des tribuns. La partition fut écrite au gré des pérégrinations de Wagner à travers l’Europe. Les actes I et II furent composés à Riga en 1838-39, l’acte III le fut à Boulogne-sur-Mer pendant l’été 1839 après la fuite de Riga et de ses créanciers lors d’un voyage maritime qui reste célèbre grâce à la tempête du Vaisseau fantôme, les actes IV et V à Paris, en 1840.
Wagner compose Rienzi avec l’espoir de le faire jouer à Paris. Manquant d’appui, il fait appel à Meyerbeer qu’il rencontre durant son séjour à Boulogne. Meyerbeer lui donne non seulement une belle recommandation, mais, en plus, traduit le livret de Wagner en français. Et cela n’empêchera pas Wagner de dénigrer complètement son compatriote quelques années plus tard en raison du refus des maisons parisiennes de monter son opéra.
Alors que la vie à Paris fut la période la plus misérable de la vie de Wagner, la création de Rienzi à Dresde fut un véritable triomphe auquel il doit sa nomination de maître de chapelle du roi de Saxe. La première dure de six heures du soir à minuit, car les principaux chanteurs, Wilhelmine Schröder-Devrient et Josef Aloys Tichatscheck[2], refusent que l’on coupe la moindre de leurs notes. Par la suite, Wagner autorisera des coupures ou l’étalement de l’œuvre intégrale sur deux soirées : La Grandeur de Rienzi et La Chute de Rienzi. Wagner parti, les chefs d’orchestre de Dresde pratiqueront la chirurgie à haute dose au point que, pour la création à Paris en 1869, il est impossible d’avoir une version originale complète. Il faut dire que le compositeur n’avait pas ménagé ses collègues. Dans une lettre en français (1868), il déclare qu’« À Dresde, on a depuis donné mon opéra sous la direction de pures cochons (sic) de maîtres de chapelle » Cosima, une fois veuve, en établira, avec l’aide du Julius Kniese, un Musikdirektor du cercle de Bayreuth, une version raccourcie « autorisée ». Wagner n’a jamais interdit de représenter son Rienzi au contraire des Fées et de la Défense d’aimer. « Il faut noyer les petits chiens » avait-il coutume de dire à leurs égards.
Rienzi exprime très clairement une idée politique qui contribua au succès de l’œuvre à une époque où l’Europe rétrogradait vers des structures autoritaires. Mais tout en étant le porte-parole de la liberté, le peuple est décrit comme une masse chancelante qui fera échouer le héros. Rienzi esquisse déjà le thème de l’individualité menacée, ce grand leitmotiv des futurs drames wagnériens. Les grands effets de masse ne masquent pas tout à fait les tendances fascisantes de l’œuvre : moins les démagogues ont de choses à dire, plus ils le disent à voix haute. Rienzi eut un puissant impact sur le jeune Hitler : faisant une allusion à une représentation donnée en 1906 ou 1907, il déclara que « C’est à cette heure que cela a commencé ».
Pour illustrer ce combat tragique entre individu et masse, Wagner use de tous les moyens musico-dramatiques de son temps, surtout le Grand-opéra à la française ; c’est pourquoi Rienzi est considéré, selon le mot ironique attribué à Hans von Bulow, comme « le meilleur opéra de Meyerbeer ». Mais cet opéra juvénile doit autant à Auber (La Muette de Portici où se retrouve déjà le thème de la foule qui se retourne contre le héros de la révolution), Rossini (Guillaume Tell), Spontini (Fernand Cortez ou Agnes von Hohenstaufen pour l’importance des chœurs) et Marschner. La mort du héros et l’échec de sa révolution qui se heurte à la complexité et à la malignité du monde relèvent d’un scepticisme à l’égard de la politique tout à fait caractéristique du grand opéra historique français.
Écrite en cinq actes, la partition de Rienzi suit les éléments canoniques du Grand opéra : romances, marches, parades, ballets, mais aussi grands tableaux historiques et double intrigue, politique et sentimentale. Elle est divisée en numéros séparés, même si la musique est continue. Chaque acte se termine par un ensemble où il n’est pas rare que s’époumonent les cuivres. Et la mise en scène est spectaculaire à souhait : scènes de foules, excommunications dramatiques, effondrement du Capitole dans les flammes. On relève aussi une quarantaine de thèmes qui n’ont pas encore la fonction de leitmotiv qu’ils prendront dans le Vaisseau fantôme et surtout Lohengrin. Rienzi eut peu de succès par la suite et fut rarement repris au XXe siècle (sauf dans les années 1930 dans l’Allemagne nazie…). Seul surnagent dans les concerts la longue ouverture et la prière de Rienzi (acte V, n°13).
Il est impossible d’établir une édition critique le Rienzi. La partition a été offerte à Hitler pour son cinquantième anniversaire. Le manuscrit a disparu en même temps que son ultime propriétaire.
[1] Osler, Louis et Vermeil, Jean, Le Charme opéra, Jean-Michel Place, 2005
[2] Ces chanteurs conserveront l’amitié de Wagner qui conçut pour la première les rôles d’Adriano de Rienzi, de Senta du Vaisseau fantôme et de Venus dans Tannhaüser et, pour le second, le rôle-titre de Tannhaüser.
Bibliographie Francophone
Partition
- Wagner, Richard. Rienzi, der Letzte der Tribunen : grosse tragische Oper in 5 Akten ; hrsg. von Reinhard Strohm und Egon Voss. [Conductrice] In Sämtliche Werke / Richard Wagner ; in Zusammenarbeit mit der Bayerischen Akademie der Schönen Künste, München hrsg. von Carl Dahlhaus. Schott Music, 1974-1991.
- Wagner, Richard. Rienzi, der Letzte der Tribunen : Große tragische Oper in fünf Akten nach dem gleichnamigen Roman von Edward Bulwer-Lytton. [Piano – chant de Karl Klindworth et Egon Voss]. Schott Music, 1982.
- Wagner, Richard. Rienzi : ouverture In Richard Wagner, Overtures and Preludes in Full Score, Dover Publications, 1996
Pour une première approche
- Wagner : Rienzi. L’Avant-scène opéra n°279, Premières Loges, septembre 2012.
- Candoni, Jean-François. Rienzi, le dernier des tribuns. IN Picard Timothée (dir.). Dictionnaire encyclopédique Wagner. Actes Sud, 2010. P. 1813-1821.
- Drüner, Ulrich. Rienzi, der Letzte der Tribunen. IN Honegger, Marc ; Prévost, Paul. Dictionnaire des œuvres de l’art vocal. Bordas, 1992. Volume 1, p. 1762-1763.
- Leclercq Fernand ; Godefroid, Philippe. Le Tryptique de jeunesse. In Paszdro, Michel (dir.). Guide des opéras de Wagner. Fayard, 1988. P. 19-29.
- Kaminski, Piotr. Mille et un opéras. Fayard, 2003. Rienzi, le dernier des tribuns, p. 1657-1660.
- Merlin, Christian. Wagner, mode d’emploi. Nouv. éd. L’Avant-scène opéra, Premières loges, 2018. Rienzi, p. 50-53
- Mezzanotte, Riccardo. Rienzi, le dernier des tribuns. IN Dictionnaire chronologique de l’opéra de 1597 à nos jours / traduit de l’italien par Sophie Gherardi. Le livre de poche, 1994. P.223.
- Millington Barry (dir.). Wagner : guide raisonné. Fayard, 1996. Rienzi, der Letzte der Tribunen, p. 326-329.
- Osler, Louis et Vermeil, Jean. Le Charme opéra : guide de nos opéras favoris. Jean-Michel Place, 2005. Rienzi, der Letzte der Tribunen, p. 611-614.
Pour approfondir
- Candoni, Jean-François, La genèse du drame musical wagnérien : mythe, politique et histoire dans les œuvres dramatiques de Richard Wagner entre 1833 et 1850. Lang, 1998.
- Dalhaus, Carl. Les Drames musicaux de Richard Wagner. Liège : Mardaga, 1994.
- Gregor-Dellin, Martin. Richard Wagner. Fayard, 1981.
- Lytton, Edward Bulwer. Rienzi, le dernier des tribuns de Rome : roman anglais / par sir Edward Bulwer Lytton ; trad. sous la dir. de P. Lorain. Hachette, 1889, 2 vol.
Consultable en ligne sur Gallica. [Consultation 2018-01-07]. Accès par
<http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k64161n> et
<http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k641620>. - Wagner, Richard. Ma vie / texte français et notes de Martial Hulot avec la collaboration de Christian et Melchior de Lisle. Buchet/Chastel, 1978.