© © Monika Rittershaus - La Monnaie - Siegfried

Forum Opéra – Audi ne connait pas la peur

Il y avait quelques sièges vides dans la salle de La Monnaie de Bruxelles ce mercredi soir. Chose inhabituelle, surtout pour une ouverture de saison. Est-ce l’effet de l’abandon de Romeo Castellucci ? Beaucoup de wagnériens étaient attirés par l’aura sulfureuse du metteur en scène italien, et le fait qu’il ait quitté le navire en cours de route a sans doute refroidi les ardeurs. Cependant, les absents ont eu bien tort. Appelé à la rescousse il y a seulement quelques mois, Pierre Audi démontre quel grand professionnel il est. Non seulement il sauve le Ring bruxellois dans des circonstances pas évidentes, mais il fait beaucoup mieux qu’assurer l’urgence, et sa mise en scène est pleine de qualités. Pour la goûter pleinement, il faut cependant remiser au placard les attentes de relecture radicales. Si Pierre Audi intègre la modernité, c’est toujours au service de l’histoire originelle, et on ne trouvera ici aucun sous-texte, aucune référence à un autre contexte que celui de l’intrigue. Quel changement par rapport à Castellucci et à son jeu fascinant d’intertextualité ! Pierre Audi ne semble d’ailleurs rien conserver de la mise en scène des deux premiers volets (mais nous avouons n’avoir vu que l’Or du Rhin). Nous est contée l’histoire d’un adolescent qui n’en peut plus des contraintes qui pèsent sur lui et qui part à la conquête du vaste monde.

L’article complet de Dominique Joucken sur le site de Forum Opéra.

La Libre : Audi moins éblouissant que Castellucci ? Forcément !

Faut-il vraiment s’étonner que les visions aussi esthétisantes qu’égotiques du premier fassent plus rêver que l’approche probe et humble du second ? La frange la plus branchée du public bruxellois affichait une moue dédaigneuse mardi à la première de Siegfried, mais le procès en prosaïsme fait à Pierre Audi s’avère injuste, tant le cahier de charges qui s’imposait à lui était sans comparaison avec les conditions offertes à Roméo Castellucci pour L’or du Rhin et La Walkyrie.

Certes, le public qui était allé voir la Tétralogie montée par Audi à Amsterdam il y a une vingtaine d’années reconnaîtra certains éléments (l’ours, la lance, les plaques en biseau…). Sans doute aussi le metteur en scène français, mû par un louable souci de lisibilité, en fait parfois un peu trop dans l’explicite, d’autant que cet opéra qu’on qualifie parfois de « scherzo de la Tétralogie » est truffé, surtout au deuxième acte, d’éléments anecdotiques (le dragon, l’oiseau, le cor…) qu’on ne peut que tenter de montrer fidèlement, ou alors ignorer totalement, les deux solutions étant risquées. Et, bien sûr, le temps limité laissé aux maîtres d’œuvre de la soirée fait que, mardi en tout cas, certains détails ne semblaient pas parfaitement finis (toiles mal tendues, éclairages pas toujours parfaitement réglés…).
Il n’empêche que l’extraordinaire entreprise que reste une tétralogie wagnérienne, la première à Bruxelles depuis plus de 30 ans, voulue par Peter De Caluwe comme bouquet final de ses dix-huit ans à la tête de la Monnaie, se poursuit aussi bien que possible. Avec, dans certaines scènes (entre le Wanderer et Mime, ou au troisième acte), de très belles images, et avec aussi une direction d’acteurs beaucoup plus précise et aboutie que chez Castellucci. Ce n’était pas gagné d’avance.

L’article complet de Nicolas Blanmont sur le site de la Libre

L’Avant-scène opéra – Siegfried

C’est une évidence qu’il appartient à chacun de réaliser sa vision scénographique sans se décalquer de qui que ce soit. Mais on a tout de même envie de rappeler que L’Or du Rhin de Castellucci a été consacré par la critique comme le meilleur spectacle de l’année, et que ceux qui auront suivi le Ring dans sa totalité établiront inévitablement des comparaisons…

N’allons pas plus loin et disons simplement qu’il y a une telle différence de conception entre Castellucci et Audi qu’il serait vain de les opposer élément par élément. Dans nos comptes rendus de L‘Or du Rhin et de La Walkyrie nous n’avons pas ménagé nos éloges à l’égard de Castellucci pour ses trouvailles scénographiques nombreuses, inattendues et éclairantes, tout en exprimant des réserves quant à sa propension à des surcharges visuelles lourdes et superflues. L’option de Pierre Audi est tout autre : un dépouillement tendant vers l’abstraction, un strict minimum de matériau sur scène. Il s’en explique dans son interview : « L’abstraction du décor permet de rester dans l’atmosphère du mythe. » Ce n’est pourtant pas par de l’abstrait mais par de l’humain sous sa forme la plus sympathique que débute le spectacle, et qui constitue à notre sens la meilleure idée du metteur en scène. Avant que la musique ne commence, et durant toute l’introduction du premier acte, une vidéo montre des enfants qui s’en donnent à cœur joie en se grimant, imitant, dessinant et découpant des personnages de Siegfried, brandissant épées et lances. Un bain de fraîcheur et de spontanéité ludique qui nous enseigne ou nous rappelle que l’opéra est un conte de fées, et que Siegfried est un grand enfant. C’est comme tel qu’il sera incarné par Magnus Vigilius que l’on découvre dans ce rôle. Autre figure enfantine, là aussi à mettre sur le compte du meilleur qui nous a été offert : au deuxième acte l’Oiseau des bois, chanté par une cantatrice se tenant en retrait (Liv Redpath, au timbre radieux), est incarné sur scène par un(e) enfant (non indiqué(e) dans la distribution) en tunique de plumes et coiffé(e) d’une huppe, qui a ravi la salle par sa gestuelle aussi clairement explicite que débordante de verve.

L’article complet d’André Lischke sur le site de l’Avant-Scène opéra.

Le Soir – Un délice musical

Au cœur de cette proposition, on retrouve surtout la musique, portée par une direction musicale attentive, en adéquation avec la narration et les gestes très chorégraphiques des protagonistes. Musicalement, le spectacle est un régal du début à la fin. Dès l’ouverture, Alain Altinoglu et son orchestre trouvent le mystère, la tension graduelle, les multiples couleurs de la partition de dentelle qu’a composée Wagner. Car Siegfried est loin de se limiter aux grandes montées en puissance. C’est aussi des motifs musicaux qui se tissent savamment, des atmosphères qui se créent, des créatures fantastiques qui naissent devant nous et dans nos oreilles. Une musique incroyablement évocatrice, tant des émotions que des lieux et des actions. Du rêve, des peurs, des fantasmes : l’orchestre laisse entendre toutes les subtilités de la partition, avec de la force mais aussi de la douceur.

Valeureux – il est celui qui ignore la peur – et (très) téméraire, le Siegfried de Magnus Vigilius possède une ampleur immédiate et une puissance à laquelle répond naturellement la Brünnhilde d’Ingela Brimberg. On retrouve aussi le Mime de Peter Hoare, étrange créature ultra-expressive, en pleine possession de ses moyens. A noter aussi, les aigus aériens et la légèreté enchanteresse de l’Oiseau des Bois de Liv Redpath.

L’article complet de Gaëlle Moury sur le site du Soir.

L’Echo – L’arrogance de l’ado

Et les voix dans tout cela, toujours attendues au tournant chez Wagner? Si les rôles secondaires trouvent leurs justes gosiers (Gabor Bretz, Scott Hendrickx, Nora Gubisch…), le trio principal l’emporte sans faillir. Pour ses débuts à La Monnaie, le ténor danois Magnus Vigilius, grand wagnérien, assume l’écrasant rôle de Siegfried, en version ado arrogant. Une authentique performance vocale et physique, portée par un timbre chaud et clair.

Mêmes lauriers vocaux et scéniques pour le ténor anglais Peter Hoare, qui campe avec une belle véracité le forgeron Mime, ce Niebelung maléfique qui a élevé Siegfried en espérant récupérer, grâce à lui, l’Anneau du pouvoir absolu. Quant à la Brünehilde, Walkyrie qui traverse toute la tétralogie, c’est la Suédoise Ingela Brimberg qui l’incarne avec un soprano d’une puissance survolant l’orchestre sans fléchir.

L’article complet de Stéphane Renard sur le site de L’Echo.