© La Monnaie

L’opéra

Siegfried commence là où Die Walküre s’était terminé. Brünnhilde, la Walkyrie préférée de Wotan, a pourtant été punie de sa désobéissance envers son père : privée de ses pouvoirs,elle est plongée dans un sommeil profond, et repose au sommet d’un rocher entouré de flammes que seul un héros intrépide pourra traverser. Nothung, l’épée brisée de Siegmund, mort au combat, est en la possession de son fils : Siegfried. Ce nom, ainsi que la figure emblématique de la mythologie nordique qu’il évoque, sont à l’origine du projet titanesque de Wagner. En effet, le principal héros du Nibelungenlied était au centre de la première mouture du cycle. Dès 1848, le compositeur envisageait Siegfried comme sujet potentiel pour un nouvel opéra. Il avait même commencé à travailler sur un livret dédié à la mort du héros, intitulé Siegfrieds Tod. Après avoir terminé les premières esquisses musicales de ce qui deviendrait Götterdämmerung en 1850, Wagner réalisa qu’un autre drame était nécessaire pour expliquer la raison de la chute de Siegfried. En 1851, il rédigea une première ébauche de livret pour Der junge Siegfried, mais il se rendit rapidement que cela ne suffirait pas à rendre justice à cette histoire. Il conclut qu’il lui fallait au moins trois drames musicaux et un prologue : c’est ainsi que naquit Der Ring des Nibelungen.

Après avoir publié, en 1852, le livret de son cycle en quatre parties sous la forme d’une œuvre en prose, Wagner entama un processus de composition chronologique, ajoutant progressivement de la musique aux quatre drames. Au bout de quatre ans, il avait déjà terminé Das Rheingold et Die Walküre, mais l’écriture de Siegfried se révéla plus ardue que les deux premiers volets. Le compositeur commença le travail en septembre 1856 et s’interrompit en juin 1857, après avoir achevé le deuxième acte qui se conclut avec le repos de Siegfried sous un tilleul. Le père spirituel du héros avait besoin lui aussi d’une pause. De plus, le projet du Ring commençait à peser financièrement, et l’idée d’un nouveau drame musical portant sur un amour passionné et dévorant commençait à germer dans l’esprit de Wagner. Après avoir fini une première version de Siegfried en 1857, il mit le projet de côté pendant plusieurs années, se consacrant à la composition de Tristan und Isolde (1865) et de Der Meistersinger von Nürnberg (1868). Ce n’est qu’en 1864 qu’il reprit l’orchestration complète de Siegfried, complétée en 1871. Selon les spécialistes, cette rupture significative dans le processus d’écriture de l’œuvre se reflète également sur le plan musical : alors que les deux premiers actes conservent le style de Das Rheingold et de Die Walküre, le troisième acte démontre, selon le musicologue Barry Mullington, une « flexibilité et une maturité nouvellement acquises ».

Une maturité en devenir : tel est le thème central de la Deuxième journée du cycle de Wagner. Nous y rencontrons le jeune Siegfried, un orphelin qui grandit dans une grotte aride, élevé par le nain Mime. Ce dernier convoite l’Or du Rhin et le Tarnhelm en la possession du géant Fafner, désormais transformé en dragon. Face à lui, seul le puissant Siegfried semble avoir une chance de succès, surtout grâce à l’épée Nothung qu’il est le seul à pouvoir reforger. Rompre des épées, les réassembler, vaincre des dragons et d’autres ennemis inattendus, briser la lance de Wotan : tout cela paraît simple comme un jeu d’enfant pour ce héros « qui ne connaît pas la peur »… Jusqu’à ce que son destin se révèle à lui : Siegfried doit traverser le feu ardent au sommet du rocher pour réveiller Brünnhilde, la Walkyrie endormie. La première rencontre de Siegfried avec une femme suscite en lui une émotion jusqu’alors inconnue : la peur, ce qui le rend d’autant plus humain. Les nombreuses aventures qui ponctuent la vie du jeune héros le confrontent à ses sentiments les plus profonds, tels des rites de passage qui le transforment en adulte. Les éléments fantastiques de l’histoire de Wagner et l’évolution du personnage principal nourrissent la grande complexité narrative de Siegfried, de son passage à l’âge adulte et de sa recherche de l’amour.

 

L’équipe artistique

Après avoir brillamment dirigé Das Rheingold et Die Walküre avec passion, le chef d’orchestre Alain Altinoglu revient pour le troisième volet du Ring, poursuivant ainsi son
exploration de l’œuvre de Wagner. Son interprétation, à La Monnaie, de Lohengrin (2018), Tristan und Isolde (2019) et de Parsifal en version de concert (2022) est encore dans les mémoires. En 2015, à l’occasion d’une série de représentations de Lohengrin, il est devenu le premier chef français depuis Pierre Boulez à diriger les forces musicales de Bayreuth. En s’aventurant pour la troisième fois au cœur du magnum opus de Richard Wagner à la tête de l’Orchestre symphonique de la Monnaie, Alain Altinoglu franchira une nouvelle étape décisive dans le voyage musical et artistique qu’il a entrepris avec ses musiciens et musiciennes en 2016.

Une œuvre monumentale comme Siegfried exige une introduction à la hauteur. Alain Altinoglu vous dévoilera les secrets de cette partition avec son enthousiasme contagieux et son sens de l’humour au cours d’une conférence accessible, illustrant lui-même ses idées musicales au piano. En raison du succès retentissant des éditions précédentes, cette conférence Inside the Music est programmée dans la Grande salle. (16 SEPT 2024 – 18:30)

Pierre Audi, metteur en scène d’opéra et de théâtre de renommée internationale, a commencé sa carrière à Londres, où il fonde le célèbre Almeida Theater en 1979. Entre 1988 et 2018, il était le directeur artistique du Nationale Opera d’Amsterdam, où il a mis en scène un grand nombre de spectacles. Sous sa direction, l’institution a également réalisé la première production néerlandaise du Ring de Wagner. De 2005 à 2014, Pierre Audi était directeur artistique du Holland Festival, un poste qu’il occupe au Festival d’Aix-en-Provence depuis 2018. Metteur en scène prolifique, il a signé de nombreuses créations mondiales, collaborant avec des compositeurs tels que Wolfgang Rihm, Hans Werner Henze, Tan Dun, Param Vir, Kaija Saariaho et Alexander Knaifel. Par ailleurs, il est régulièrement invité dans des maisons d’opéra et des festivals prestigieux tels que le Bayerische Staatsoper, le Festival de Salzbourg, l’Opéra national de Paris, le Wiener Staatsoper, le Metropolitan Opera de New York, la Ruhrtriennale et le Teatro Real de Madrid. À la Monnaie, il est a réalisé les productions de Pelléas et Mélisande (Debussy), Iphigénie en Aulide et Iphigénie en Tauride (Guck), Orlando, Alcina et Tamerlano (Haendel). Pierre Audi s’entourera pour cette production du scénographe Michael Simon et de la costumière Petra Reinhardt.

Côté distribution, la Monnaie a délibérément choisi, dans lamesure du possible, de confier l’interprétation de chaque personnage récurent aux mêmes chanteurs et chanteuses tout au long du cycle, afin que le public puisse retrouver les mêmes voix dans les quatre parties.

Ainsi, le ténor britannique Peter Hoare poursuivra son interprétation de Mime, et nous retrouverons Wilhelm Schwinghammer dans le rôle de Fafner. Après avoir interprété
Köning Marke dans Tristan und Isolde à Tokyo en mars 2024 et à nouveau Fafner lors d’une version concertante de Das Rheingold à Bologne en juin 2024, Schwinghammer sera parfaitement préparé à reprendre son rôle à la Monnaie, cette fois-ci non pas en tant que géant mais en tant que dragon.

Avec ses prestations remarquées dans Un ballo in maschera (Verdi), Frankenstein (Mark Grey), Macbeth (Verdi) et Le Nez (Chostakovitch), le baryton Scott Hendricks s’est imposé comme un pilier incontournable de la famille artistique de la Monnaie. La saison dernière, il a triomphé avec son interprétation d’Alberich dans Das Rheingold, un rôle qu’il reprendra dans Siegfried. Nora Gubisch, qui a brillé en Anne Boleyn dans notre Henry VIII (Saint-Saëns) en 2023 et dont la voix a récemment enrichi plusieurs de nos concerts symphoniques, sera également de retour dans le rôle d’Erda.

Le baryton-basse hongrois Gábor Bretz est un chanteur wagnérien chevronné. Il poursuivra son interprétation de Wotan, après Das Rheingold et Die Walküre, sous le nom de Der Wanderer. Sa large tessiture vocale et sa parfaite maîtrise de l’allemand font de lui un interprète idéal pour ce rôle. Bretz a fait ses débuts à la Monnaie dans ce répertoire en incarnant pour la première fois Heinrich dans notre production de Lohengrin (2018). La même année, il s’est distingué en Sarastro dans Die Zauberflöte, mis en scène par Romeo Castellucci. On se souvient également de son incarnation des rôles de Lindorf, du Docteur Miracle et du Capitaine Dapertutto dans Les Contes d’Hoffmann (Offenbach) en 2020.

Ingela Brimberg, la soprano suédoise qui a fait ses débuts à la Monnaie avec les rôles de Valentine dans Les Huguenots (Meyerbeer) et d’Elsa von Brabant dans Lohengrin (Wagner) reviendra sur notre scène pour interpréter Brünnhilde. Ce rôle lui est familier : outre notre production de Die Walküre la saison dernière, elle l’a chanté au Kungliga Operan de Stockholm et au Teatro Real de Madrid. Elle incarnera également la fille préférée de Wotan dans Götterdämmerung.

Le Danois Magnus Vigilius fera ses débuts à la Monnaie dans le rôle-titre. Ce ténor héroïque s’est forgé un nom dans ce répertoire en 2017, lorsqu’il a chanté pour la première fois Siegmund dans Die Walküre au Den Ny Opera d’Esbjerg. Au cours de la saison 2021-22, il a fait ses débuts dans pas moins de quatre rôles wagnériens : Walther von der Vogelweide dans Tannhäuser aux Bayreuther Festspiele, le rôle-titre de Parsifal au festival Rued Langgaard de Ribe, Walther von Stolzing dans Die Meistersinger von Nürnberg à l’Oper de Leipzig et le rôle-titre de Siegfried à Esbjerg.

La Stimme eines Waldvogels qui voltigera autour de lui sera chantée par Liv Redpath qui, après sa remarquable interprétation de Sophie dans Der Rosenkavalier (Strauss) en 2022, fera également son retour sur la scène de la Monnaie pour un récital.

Distribution

Direction musicale Alain Altinoglu
Mise en scène Pierre Audi

Décors Michael Simon
Costumes Petra Reinhardt
Dramaturgie Klaus Bertisch
Éclairages Valerio Tiberi

Siegfried Magnus Vigilius
Mime Peter Hoare
Der Wanderer Gábor Bretz
Alberich Scott Hendricks
Fafner Wilhelm Schwinghammer
Brünnhilde Ingela Brimberg
Erda Nora Gubisch
Stimme eines Waldvogels Liv Redpath

 

Représentations

11, 18, 25 & 28 sept 2024 — 17:00
15 & 22 sept 2024 — 15:00
1 & 4 oct 2024 — 17:00

www.lamonnaie.be

 

ATTENTION :

Le Cercle a une place à vendre pour la représentation du 28 septembre – Cat A – €152.  Contacter elizabeth.mollard@cerclewagner.be