© Jean Louis Fernandez, Tristan, Opéra de Lille

L’Opéra et l’Orchestre national de Lille proposent Tristan et Isolde de Wagner dans la version scénique inhabituelle de Tiago Rodrigues, portée par la direction musicale de Cornelius Meister.

« Les personnes tristes ont besoin de beaucoup de musique Elles ont besoin d’un orchestre d’énormément de mots chantés en allemand pendant des heures Rien que pour dire L’amour L’amour impossible ». Ces mots de Tiago Rodrigues peuvent aussi résumer sa mise en scène de Tristan et Isolde, la première production lyrique du Directeur du Festival d’Avignon. Questionnant le dispositif même qu’est devenu le théâtre lyrique, il propose de remplacer le surtitrage par des panneaux en carton-plume manipulés par deux danseurs sur scène.
Mais au lieu d’offrir une traduction littérale du livret de Wagner, ces près de mille panneaux résument, interprètent voire commentent l’action. Les étagères de ces phylactères forment une bibliothèque sur trois niveaux qui fait office de décors, réalisés par Fernando Ribeiro : un milieu d’archives assez neutre qui laissera la place à des plantes vertes pour évoquer le jardin des appartements d’Isolde (jusqu’à ce qu’il ne reste qu’un squelette de la bibliothèque et un immense monticule de panneaux utilisés).
Le concept intrigue et même séduit visiblement l’assistance au premier abord : délivré de la lecture des surtitres, le spectateur se sent plongé dans l’épopée et accompagné par la traduction des deux archivistes-danseurs (Sofia Dias et Vítor Roriz) dont la manipulation des panneaux très chorégraphiée a de quoi laisser admiratif. Ils animent aussi et donnent vie par leurs mouvements à ce qu’ils re-découvrent, mais interagissent peu avec les protagonistes, assez statiques.

L’article complet sur Olyrix, Tristan et Isolde en 1000 SMS à l’Opéra de Lille par Emmanuem Deroeux

 

C’est Tiago Rodrigues qui a choisi Tristan und Isolde pour sa première mise en scène d’opéra et c’est totalement raté. Avec une arrogance ou une naïveté terrible (on ne sait trop), le directeur du Festival d’Avignon a souhaité escamoter les sous-titres traduisant le superbe poème de Richard Wagner et écrire lui-même (sans aucun talent d’écrivain) des textes le plus souvent simplistes qui résument, commentent, raillent les péripéties et dialogues de l’opéra. Avant le prélude, pendant près de quinze minutes interminables, les deux danseurs de l’équipe (qui poursuivront le couple vedette en une sarabande d’allers retours et courses diverses pénibles) exhibent des pancartes au texte plus ou moins humoristique (Exemples : « C’est de l’amour chanté en allemand », « Un amour chronophage », « La femme triste est triste », « elle maudit l’homme triste », « un matelot chante le vent » et autres badinages de cette eau). Des textes d’une profondeur et d’une pertinence dignes d’un élève de CM2 découvrant le drame.

L’article complet sur Forum Opera, Un Tristan sans Tristan, c’est attristant (pancarte) par Christine Ducq

 

Les rôles-titres présentent, faut‑il le rappeler, d’énormes difficultés, et en voici encore la preuve. Daniel Brenna se montre un peu trop inégal en Tristan, livrant, certes, des moments intenses et vocalement remarquables, dans le troisième acte, en particulier, mais aussi des interventions dans lesquelles il atteint clairement ses limites. La puissance fait un peu trop souvent défaut, tandis que le timbre, trop mat, ne séduit guère. Il s’agit d’une prise de rôle pour le ténor américain, alors qu’Annemarie Kremer, qui doit malheureusement se déplacer avec une béquille, après s’être foulé le pied avant la représentation, a déjà incarné Isolde sur d’autres scènes : prestation solide et sensible, plus égale et satisfaisante que celle de son partenaire, en termes d’intonation et de projection, notamment.
Dans la fosse, Cornelius Meister délivre une direction splendide à la tête d’un Orchestre national de Lille ferme et souple, transparent et précis. La netteté de l’exécution n’exclut pas la densité, la puissance, la maîtrise non seulement des contrastes, mais aussi des montées en puissance.

L’article complet sur Concertonet, Avec d’autres mots par Sébastien Foucart