© Benoit van Langenhove - La Philharmonie de Paris

ResMusica

Siegfried à la Philharmonie de Paris : Wagner sans la poussière !

La sobriété et la clarté seraient peut-être le résultat tangible du projet interdisciplinaire mené sur la base des travaux du musicologue Kai Hinrich Müller et sa relecture des écrits de Wagner. Ce retour aux sources était souhaité par le directeur du Festival de Dresde et violoncelliste Jan Vogler, qui demanda à Kent Nagano de le mener à bien, en collaboration avec le Dresdner Festspielorchester et le Concerto Köln, présents ce soir. Dépoussiérer Wagner revient à revenir à ses propres souhaits : la discrétion d’un orchestre ne nuisant pas à l’intelligilité du texte, l’emploi de certains instruments comme les Tuben, l’usage très modéré du vibrato, ou encore une action continue et en même temps pluridirectionnelle, ce qui suppose l’abandon des répétitions et des airs refermés sur eux-mêmes comme des totalités.

Ce Siegfried annoncé comme modernisé après un siècle et demi d’interprétation, se traduit tout d’abord par le renouvellement de la distribution et son rajeunissement. Ainsi du rôle-titre, tenu par Thomas Blondelle, très investi dans son personnage – d’aucuns penseront qu’il en fait trop –, qu’il dédramatise en forçant un peu son côté ado survitaminé et en jouant aussi sur les aspects comiques de l’œuvre.
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Blog de Bruno Serrou

Magistral « Siegfried » de Richard Wagner au diapason 435 Hz selon Kent Nagano à la Philharmonie de Paris

Tendue et dramatique, la conception de Kent Nagano, fluide et aérée, est en adéquation avec ce que l’on attend du deuxième volet du Ring. Evitant la grandiloquence mais dirigeant sans traîner mû par une énergie conquérante, le chef états-unien donne à la partition de Wagner une dynamique générale alerte et brûlante. Ce qui a pour corolaire la mise à nu de défaillances des pupitres des cuivres dont la prestation s’avère perturbante, surtout le cor solo dans les sublimes sonneries de Siegfried réveillant le dragon. Ce qui est remarquable en revanche est le moelleux des cordes en boyau, la chaleur envoûtante des bois (flûte, clarinette et basson solos, cor anglais), la rondeur des cuivres, dont la trompette basse, les tuben, les trombones et surtout le tuba. Allégeant les textures de son double orchestre, Nagano permet aux chanteurs de s’exprimer sans forcer. Pas même le personnage central tenu à Thomas Blondelle dont la voix est fraîche et juvénile, malléable à merci bien que le timbre et la consistance n’ont rien des caractéristiques des voix de heldentenor, mais elle est souple et finalement assez puissante pour passer la rampe sans forcer, ce qui permet au ténor belge de camper un Siegfried aussi fanfaron qu’arrogant.

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Olyrix

Siegfried d’hier mais surtout d’aujourd’hui à la Philharmonie

Christian Elsner mime beaucoup en Mime et surjoue la peur tremblante. Son chant est toutefois très intéressant dans la récitation du texte et son articulation. La voix lyrique alterne tenues et accents lyriques surgissant notamment en fins de phrases. Il place la voix à tous endroits, tendant les aigus mais contourant les enchaînements, dans une prestation pittoresque mais aussi d’une endurance forçant le respect, jusqu’à ces rires aigus maniaques entraînant les rires graves d’Alberich.

Daniel Schmutzhard, Alberich aux cheveux blonds en mèche presque relevée en crête, avec un collier pendentif en argent qui semble déjà annoncer son vœu de posséder l’anneau, toise intensément du regard le public et les personnages. Comme le regard, la mâchoire est serrée, plaçant encore plus fermement la voix depuis un médium sonore, alliant impact et tenue, vibrant comme l’artiste monte sur la pointe des pieds à chaque phrasé. Cet Alberich vif persiffle, carnassier dans l’intention mais d’un lyrisme pleinement Wagnérien dans la matière chantante.
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Diapason

A la Philharmonie, un fade “Siegfried” selon Kent Nagano

C’est donc avec Siegfried que l’on découvre ce projet d’envergure, initié par le Dresdner Musikfestspiele qui, à l’occasion du cent-cinquantième anniversaire du cycle, en donnera l’intégralité en 2026. Bien entendu, les cordes sont en boyau et les flûtes en bois, les harpes proviennent de la maison Erard tandis que les violoncelle ont fait économie de leur pique dans le but de retrouver la matière sonore d’origine et faire goûter au magnum opus tel qu’Hans Richter le servit à Bayreuth en août 1876. Ah ! l’archéologie musicale qui restitue sans reconstituer… tout cela est très intéressant et l’on apprécie (quelquefois) les couleurs qui s’en dégagent, mais de toute évidence fait défaut ce soir – et ad vitam tant que la colline sacrée n’aura ouvert sa fosse au projet – le plus important : la salle, de surcroît s’agissant de l’inimitable acoustique du Festspielhaus.

Soyons juste : peut-être qu’un orchestre et un chef plus inspirés auraient pu convaincre. En l’occurrence, les forces conjointes du Dresdner Festspielorchester et du Concerto Köln ne séduisent guère : les couleurs sont très mates, ternes – en témoignent ces Murmures de la forêt sans le moindre enchantement, privés de leurs miroitements irréels faute de phrasé, rendus insipides en outre par les plates interventions solistes d’une petite harmonie mécanique. Le reste est à l’avenant.

A tout le moins hétérogène, la distribution peut toutefois compter sur un Mime de bonne facture forgé par Christian Elsner, briscard du chant wagnérien : longtemps Siegmund, le ténor use de cette ascendance pour équilibrer ce personnage qui, en dépit d’un verbe aiguisé, évite ce soir la caricature bouffe. Une tempérance qui contraste avec les cabotinages d’un Thomas Blondelle guère héroïque dans le rôle-titre, obligé de compenser son Siegfried scolaire et sans aigu par un expressionnisme douteux. Egalement un peu fort en gueule, l’Alberich tout en brisures de Daniel Schmutzhard fait preuve néanmoins d’une indéniable noirceur. Pour lui donner la réplique, Derek Walton patronne en Wanderer aussi complexe qu’impérieux, capable – malgré un soutien assez léger dans le bas de la tessiture – de dominer avec ce naturel supérieur et mystérieux. A l’Erda usée de Gerhild Romberger on préférera la Brünnhilde de grand calibre campée par Asa Jäger : capable, sans effort, de darder des aigus au volume inouï, précis, ourlés, la Suédoise fait revivre un instant les standards de soprano dramatique. Qu’importe si le timbre n’est pas d’une immédiate séduction, la justesse de l’incarnation achève sur une bonne note cette production sinon sans saveur. 

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Première Loge

SIEGFRIED : Heiaho! Haha! Haheiaha! Et la Philharmonie devint Walhalla…

Le héros éponyme, ce soir, apparaît de prime abord vêtu comme un petit voyou de banlieue au sourire ravageur – qui parvient parfaitement par son jeu de scène à faire croire au tempérament fougueux et juvénile de celui qui, en proie aux interrogations qui l’assaillent, est en quête de son passé. Mais ne nous y trompons pas, le ténor belge Thomas Blondelle est dans ce rôle une révélation (à Paris du moins car on a déjà pu applaudir cet interprète à Nancy dans Manru).  Habitué du chant wagnérien, il a déjà tenu le rôle de Siegfried à Prague sous la direction de Nagano et a reçu un triomphe l’an dernier à la Deutsche Oper dans le rôle de Loge. Ce soir il tient le rôle-titre de cette deuxième journée du Ring, rôle ô combien éprouvant et qui requiert tant. Et il nous tient béats d’admiration devant sa facilité à affronter avec vaillance ces trois actes avec la même ferveur et sans montrer le moindre signe de fatigue. Les moments héroïques ne manquent pas, tels la fin de l’acte 1 où il reforge l’épée brisée et gardée par Mime, tout en chantant d’une façon claire comme le cristal « Nothung, neidliches Schwert! », ou, plus tard, lorsqu’il lance ses  « Hoho! Hoho! Hohei ! » pendant que le feu régénérateur jette ses flammes. Mais on apprécie également dans sa prestation des moments de pure émotion, comme au deuxième acte quand il parcourt la forêt tout en méditant avant de dialoguer avec l’oiseau après avoir tué le dragon. La projection de sa voix au 3e acte quand il invoque Brunhilde (« Erwache! Erwache! Heiliges Weib! ») est phénoménale tant sa puissance, couvrant tout l’orchestre avec naturel, emplit toute la Philharmonie. On en frissonne encore !

Derek Welton, baryton australien, est aguerri aux rôles wagnériens. Il a chanté Klingsor à Bayreuth et fut déjà, il y a trois ans, Wotan dans le Rheingold de la Deutsche Oper. Ici, il maîtrise totalement le rôle de Wotan qu’il chante sans partition tout en parcourant la scène, en pleine interaction avec ses partenaires.  Son chant évoque parfois, par la qualité de son legato, l’immense James Morris. Malgré quelques limites dans les aigus, la voix est forte et puissante. Son imprécation à Erda au début de l’acte 3 est particulièrement impressionnante. Un grand moment aussi que cet affrontement avec Mime à l’acte 2 où il finira par obtenir la tête de ce dernier, long dialogue où la ligne mélodique, tout en retenue, est parfaitement maîtrisée.

La soprano suédoise Åsa Jäger est une des grandes chanteuses wagnériennes du moment. Brünnhilde est depuis des années un des rôles qu’elle affectionne particulièrement. Son  aisance à projeter sa voix est extraordinaire. Les premiers mots qu’elle prononce, « Heil dir, Sonne! » sont d’une admirable pureté cristalline et d’une bouleversante puissance.  Le dernier duo de l’Acte 3 où elle rivalise de puissance avec Siegfried avant le dernier tutti final est admirable de grâce et de beauté et tire les larmes.

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