© Opera Ballet Vlaanderen - Parsifal

Anvers, octobre 2025 — La nouvelle production de Parsifal à l’Opéra Ballet Vlaanderen aura marqué les esprits autant par sa radicalité visuelle que par la révélation d’un jeune ténor américain : Christopher Sokolowski. Appelé à remplacer Benjamin Bruns à trois semaines de la première, le chanteur s’est imposé avec une aisance et une sincérité qui ont conquis la critique.

Christopher Sokolowski, une étoile montante

Sa prise de rôle dans le personnage-titre est saluée comme une véritable révélation. Doté d’un timbre barytonnant évoquant Jonas Kaufmann, Sokolowski incarne un Parsifal à la fois candide et lumineux, capable d’évoluer avec justesse vers la sagesse sans jamais perdre de sa fraîcheur. Sa projection vocale, sa clarté et la chaleur de son interprétation donnent à cette production une intensité rare.

Une distribution homogène, un orchestre incandescent

Autour de lui, la distribution se distingue par sa solidité. Dshamilja Kaiser (Kundry) impressionne par la puissance de sa voix, même si la mise en scène limite parfois son potentiel dramatique. Albert Dohmen (Gurnemanz), pilier du répertoire wagnérien, offre une diction exemplaire et une profondeur spirituelle. Kartal Karagedik (Amfortas) bouleverse par son mélange de force et de vulnérabilité, tandis que Werner Van Mechelen (Klingsor) séduit par la netteté de sa projection.

Le chœur d’enfants est unanimement salué pour sa cohésion et sa couleur vocale. Le chœur adulte, bien que massif, peine parfois à atteindre la rondeur attendue.

Sous la baguette d’Alejo Pérez, qui signe ici ses adieux à la direction musicale de la maison, l’orchestre symphonique de l’Opéra Ballet Vlaanderen brille de mille feux. Sa lecture est qualifiée de lumineuse et analytique, équilibrant monumentalité et intimité. Les leitmotivs sont tissés avec fluidité, et la tension dramatique culmine dans une apothéose finale saluée par des acclamations nourries.

Une mise en scène qui divise

La proposition scénique de Susanne Kennedy et Markus Selg ne laisse personne indifférent. Pensée comme un rituel initiatique, elle transforme le théâtre en temple et le spectateur en pèlerin. L’univers visuel, saturé de projections générées par intelligence artificielle, évoque tour à tour le jeu vidéo, le cinéma d’animation et l’installation contemporaine. Parsifal y apparaît comme un adolescent errant, à la fois christique et bodhisattva, évoluant dans une grotte mentale où se rejoue sans fin sa quête intérieure.

Mais cette approche divise. Certains y voient une audace salutaire, d’autres dénoncent un « bombardement visuel » épuisant. Les couleurs saturées, les références numériques et la profusion de symboles religieux ou new age tendent à éloigner le spectateur de l’émotion humaine et du drame wagnérien. La direction d’acteurs, minimaliste, ritualise les gestes à l’extrême, au risque de figer l’action.

Entre immersion et hermétisme

La réception critique oscille entre fascination et distance. Si l’intention de renouveler l’expérience immersive est saluée, l’exécution est parfois jugée trop conceptuelle, voire hermétique. La quête spirituelle de Parsifal se perd dans un flux d’images évoquant davantage un jeu vidéo vintage qu’une ascension métaphysique. La symbolique, foisonnante, mêle références chrétiennes, bouddhistes, hindoues et païennes, sans toujours parvenir à une lisibilité universelle.

Pourtant, la puissance de la partition, magnifiée par l’orchestre et les voix, transcende les excès visuels et offre de véritables instants de grâce. Le public, notamment jeune, accueille chaleureusement le spectacle, preuve que Parsifal continue de susciter débats, émotions et fascination.

En somme, ce Parsifal anversois s’impose comme une production marquante : révélation vocale, excellence musicale et mise en scène radicale. Si cette dernière divise, elle interroge avec acuité la place du sacré, du rituel et de la technologie dans l’opéra contemporain. Un spectacle qui, à défaut de faire consensus, aura su provoquer, émouvoir et faire réfléchir.

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