La presse britannique considère la mise en scène de Parsifal dirigée par Jetske Mijnssen à Glyndebourne, comme une version audacieuse de l’opéra de Wagner.
Jetske Mijnssen a métamorphosé l’ultime opéra de Wagner en une pièce théâtrale familiale se déroulant en 1882, année de la création de Parsifal. Les personnages sont réinterprétés comme des membres d’une famille victorienne. Les décors évoquent un salon d’époque. Amfortas et Klingsor deviennent ainsi deux frères éloignés, tandis que Kundry devient une domestique de la famille. Quant à Parsifal, il est représenté comme un conseiller apportant la réconciliation au sein de la famille.
Dans ses productions, Mijnssen intègre abondamment des éléments visuels. Quand un personnage raconte ce qui s’est passé des années auparavant, les rideaux s’ouvrent et les événements sont représentés par des acteurs. De plus, la metteuse en scène fait apparaître Titurel tout au long du premier acte, réagissant à chaque situation. Les scènes de foule sont spectaculaires. La procession funèbre de l’acte III, avec ses croque-morts sépulcraux et la chute de neige, est particulièrement impressionnante. Les filles-fleurs de l’acte II, toutes vêtues pour ressembler à Kundry, offrent l’un des moments les plus spectaculaires de la production.
En réinterprétant le drame de Wagner comme si c’était une pièce de Tchekhov, mais avec orchestre, Miinssen le rend plus crédible sur le plan psychologique. Néanmoins, cela s’éloigne de l’intention initiale du compositeur, qui voulait créer un rituel grandiose. La scène du Graal devient une scène de banquet digne d’un roman victorien. Kundry, avec son chignon auburn serré et sa robe à jupe ample, ressemble à une muse de l’ère victorienne, Effie Grey, qui inspira John Ruskin, grand historien de l’art, et John Everett Millais, un peintre préraphaélique.
Dans la distribution, Kristina Stanek incarne une Kundry combinant passivité et agressivité grâce à sa voix riche et son jeu précis. John Relyea, en tant que Gurnemanz, se distingue par son élocution claire et son autorité imposante. Audun Iversen incarne Amfortas avec une grande intensité émotionnelle. Il capture tout le pathos du personnage sans altérer une magnifique ligne de chant. Klingsor menaçant et mobile, Ryan Speedo Green met dans son personnage une urgence admirablement servi par ses talents d’acteur. Daniel Johansson interprète Parsifal avec une voix agréable, bien que parfois trop discrète, notamment lors de l’acte II.
Ticciati soutient ses chanteurs tout en tirant de l’orchestre de fines demi-teintes de couleur et d’harmonie. Le chœur se montre enthousiaste, tandis que le London Philharmonic offre un accompagnement remarquable grâce à sa précision et à sa qualité sonore.
Les commentaires sur la représentation de « Parsifal » à Glyndebourne sont partagés. Richard Morrison du Times a souligné que Mijnssen a réinventé l’opéra mystique de Wagner en un drame familial se déroulant en 1882, mais a critiqué cette interprétation psychologique en la jugeant éloignée de la vision du compositeur. De son côté, Gavin Dixon, de Gramophone, souligne que cette production s’inspire grandement du lieu, de ses coutumes et de sa taille. Il décrit la mise en scène comme étant résolument « old-fashioned », avec une esthétique qui rappelle celle de Tchekhov. Dixon souligne également que la production présente des hauts et des bas, avec des moments d’intensité dramatique, mais aussi des longueurs. Erica Jeal, du Guardian, déplore le manque de mysticisme religieux dans la production, qu’elle qualifie d’approche austère centrée sur les relations familiales. Elle observe qu’on privilégie la qualité musicale, en particulier celle du chant et de l’orchestre, dans cette représentation. Barry Millington, de l’Evening Standard, pense que la production de Mijnssen apporte de nouvelles perspectives, mais qu’elle peut sembler déroutante. Il souligne toutefois que la mise en scène de Mijnssen respecte le message de compassion de Wagner.