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Trois articles intéressants à relever dans la presse musicale du mois de mars :

  • Dans le numéro de la revue Avant-Scène Opera consacré au Guercoeur d’Alberich Magnard, un article de Gilles Saint-Arroman: 1870 -1914, L’opéra français face à Wagner
    • « Au tournant des XIXe et XXe siècles, Richard Wagner exerce par son œuvre et ses écrits une influence considérable sur un théâtre lyrique français qui cherche sa voie entre traditions nationales et tendances nouvelles. Avec ses trois ouvrages dramatiques, Albéric Magnard illustre la complexité des relations entretenues par ses compatriotes avec cette figure germanique à la fois inspirante et inhibante. Né dans les années 1860, Magnard appartient à la génération de Gustav Mahler et de Richard Strauss. En France, ses contemporains sont Claude Debussy, Pierre de Bréville, Paul Dukas, ainsi qu’Augustin Savard et Guy Ropartz, dont il est particulièrement proche. Tous ces jeunes gens sont allés à Bayreuth et en sont revenus subjugués. Ils ont aussi été impressionnés par Le Chant de la cloche, légende dramatique de d’Indy (1886), l’une des œuvres françaises les plus wagnériennes – bien que non scénique – de la décennie 1880. »
  • Dans le numéro de mars de la revue Classica, un dossier sur la mise en scène d’opéra, un sujet qui agite fort les spectateurs des maisons d’opéra.
    •  » Les uns hurlent au scandale, les autres crient au génie. Le phénomène n’a rien de nouveau mais il a pris ces derniers mois un ton plus polémique et contestataire que jamais. Est-ce le retour de l’inusable querelle entre anciens et modernes ? L’éternelle opposition entre servir l’œuvre et se servir de l’œuvre ? Les metteurs en scène sont-ils allés trop loin ? Plutôt que risquer une réponse définitive, bien improbable, CLASSICA a choisi de mettre à la une ce mois-ci la parole des professionnels et de ses collaborateurs pour croiser les réflexions et alimenter le débat. »
  • Dans ce dossier, on relèvera surtout l’excellent article de Pierre Flinois Bayreuth ouvre de nouveaux chemins, une histoire des mises en scène du festival.

    • « Soucis financiers, sièges (rares) vides, critiques de l’État sur sa politique artistique, Bayreuth est dans la tourmente. Le festival est-t-il toujours armé pour accomplir sa mission première, laissée comme seul testament artistique par Richard Wagner, « Mes enfants, faites du neuf» ? Avec Cosima (1837-1930), sa veuve, ce fut la glaciation, avec Siegfried (1869-1930), son fils, l’ignorance des changements scéniques naissants en Allemagne, bientôt censurées par les nazis. Mais en 1951, son fils Wieland inventa la mise en scène d’opéra moderne, ouvrant par là l’ère du Regietheater. Une révolution : plus de musée, de répétition d’un modèle figé, fidélité non à la lettre des didascalies, mais à l’esprit de l’oeuvre, au filtre de la psychanalyse (Jung) et de la sensibilité contemporaine (« Walhalla, c’est Wall Street »), et inscription de l’époque.
      Désormais, Siegfried pourra éveiller Brünnhilde sur le plateau le plus nu qui soit, et Isolde mourir debout, au grand dam des conservateurs ! Vilipendé tout un temps (ses Maîtres chanteurs sans Nuremberg, en 1956, transposés sur le théâtre du Globe de Shakespeare, en 1963), vite admiré (son Parsifal, son Lohengrin, son Tristan), beaucoup imité, Wieland laissa à sa mort en 1966 le wagnérisme et le monde lyrique orphelins, son art risquant même de devenir une nouvelle tradition morte ! »
  • Le directeur musical de la Monnaie est longuement interrogé par Camille de Rijck dans le numéro de mars du magazine Diapason. Il y parle évidement du Ring
    • Question : on parle souvent de l’arc musical qu’il est nécessaire de construire tout au long du cycle. Comment fait-on face à une œuvre de cette dimension ?
      A.A. : La dimension n’entre pas vraiment en jeu. On ne commence pas Les Noces de Figaro sans connaître la fin de l’œuvre, vu qu’il y a déjà dans l’Ouverture bien des éléments du dénouement. Ignorer ce qui suit, c’est le rôle du spectateur. C’est ce que voulait Wagner : que les auditeurs arrivent au théâtre sans savoir tout de ce qui allait leur arriver. Le chef d’orchestre doit fonctionner inversement. Surtout dans le Ring, qui est constitué d’une infinité d’éléments, avec tous les leitmotive, représentant concepts et personnages, qui s’imbriquent les uns dans les autres et se transforment à mesure que l’oeuvre tend vers son climax. Romeo Castellucci avait émis l’idée, vu que l’anneau est un cercle, qu’avant L’Or du Rhin, on joue la fin du Crépuscule des Dieux. Clairement, si je n’avais pas connu l’œuvre par cœur, si je n’avais pas été capable d’argumenter mon refus, avec des éléments concrets d’architecture musicale, j’aurais eu beaucoup de mal à défendre mon point de vue. Celui-ci était pourtant simple : la fin du Crépuscule est un gigantesque développement. L’imagination a tous les droits, mais pas celui de s’opposer à certaines règles de perspective, d’architecture, de mathématiques ou de développement cellulaire. C’est précisément de ce s’agit : la musique de Wagner est un constant développement de cellules qui ne peut pas être mis sans dessus dessous. Ce n’est pas une de ces créations de l’éternel recommencement, comme Wozzeck, dont la dernière scène pourrait, dans la logique de l’œuvre, être enchaînée à la première. »