Nous n’allons pas évoquer ici la carrière de Philippe Boesmans, d’autres l’ont fait avec talent; vous trouverez des liens en fin d’articles. Par contre nous aimerions nous arrêter un instant sur son intérêt pour Richard Wagner. Boesmans avouait même une passion pour ce compositeur. Depuis son plus jeune âge, la musique est pour lui une histoire d’amour. Il s’y est intéressé bien avant de savoir la lire ou l’écrire. Chopin avait provoqué en lui « une sensation aussi forte que la découverte de l’amour à l’adolescence » et Wagner l’avait « possédé » au moment où « on commence aussi à penser au désir ». II a découvert tout cela très tôt par le disque et la radio. La voix aussi le fascine depuis l’enfance « mais c’est la musique vocale plus que la voix elle-même : Wagner à l’origine. Ce qui fait que j’ai longuement méprisé la virtuosité : Rossini par exemple. J’aime beaucoup Rossini aujourd’hui. »
Quant à composer, « c’est faire un don qui, s’il n’est pas compris ou accepté, devient un amour refusé ».
A 16 ans, Boesmans entre au Conservatoire de Liège pour apprendre le piano. Mais sa caverne secrète sera la bibliothèque de l’institution où il empruntera longuement et un à un les opéras de Wagner en version piano / chant, ce qui lui permet de déchiffrer les partitions au piano. Il est même une partition qu’il finira par ne jamais rendre, celle de Parsifal.
Dans un documentaire de la Monnaie, Boesmans raconte longuement comment, en décembre 1954, il se rend à Bruxelles après avoir choisi soigneusement sa place, pour entendre, au Théâtre de la Monnaie, une représentation du Tristan und Isolde venu de Bayreuth. La distribution, très Neue Bayreuth, comprenait Windgassen (Tristan), Greindl (Marke), Mödl (Isolde), Neidlinger (Kurnewal), Malaniuk (Brangäne), Blankenheim (Melot), Stolze (Un berger), Kuen (Un jeune marin) sous la direction de Joseph Keilberth. On ne connaitra pas la réaction de Boesmans pour cette représentation mise en scène par les frères Wagner. Dans une interview donnée à l’Avant-scène Opéra, il nous avoue que les spectacles qu’il voyait à l’époque le désolaient…
Une « marque de frabrique » de Philippe Boesmans est le brassage continu de références musicales. Tantôt à découvert (Salomé, de Richard Strauss, dans Reigen), mais souvent enfouies comme des « objets trouvés », selon le mot de Bernard Foccroulle. Dans son dernier opéra, On purge bébé, d’après la pièce de Georges Feydeau (1910), Boesmans n’oublie pas son cher Wagner. Son héros, Bastien Follavoine, est un fabricant de porcelaine qui espère obtenir la commande des vases de nuit incassables pour l’armée française. Et au moment où il présentera le pot qui fait sa fierté retentira le thème du Graal.
Un dernier détail. A force de déménagements, Boesmans a perdu la partition de Parsifal. Mais il n’en n’a pas oublié le contenu.
Quelques articles sur Boesmans
- L’Hommage de la Monnaie
- Camille De Rijck, Philippe Boesmans « Dans les brisures du temps, les relations s’affolent », RTBF, 11 avril 2022
- Martine Mergeay, Électron libre et visionnaire, Philippe Boesmans a glissé dans un autre monde, La Libre du 11 avril 2022
- Serge Martin et Michel Debrocq, L’univers musical de Philippe Boesmans, Le Soir du 11 avril
- Renaud Machart, Le compositeur belge Philippe Boesmans est mort, Le Monde du 11 avril 2022
Voir des opéras de Boesmans