© La façade de La Monnaie - Photo Hugo Seegers

Que retiendra le fan wagnérien de cette nouvelle saison de la Maison d’opéra fédérale au sein de la capitale de l’Europe ?

  • Tout d’abord, Parsifal dirigé par Alain Altinoglu qui revient pour la troisième fois vers Wagner. Après Lohengrin, Tristan und Isolde, Parsifal constitue l’étape supplémentaire sur le chemin du Ring prévu en 2023-2024. Reporté d’une saison en raison de la crise sanitaire, le production perd la mise en scène de Roméo Castellucci au profit d’une version de concert donnée au Palais des Beaux-Arts.
    Dans la distribution relevons Andrew Schroeder dans ses débuts dans le rôle d’Amfortas. Le baryton américain compte parmi les chanteurs les plus polyvalents de la scène internationale comme il a pu le prouver avec la diversité de son répertoire àla Monnaie où il a chanté le rôletitre du Roi Arthus (Chausson), Agamemnon dans Iphigénie en Aulide (Gluck), Œdipe d’Enescu, Revírniík dans Foxie! La Petite Renarde rusée (Janáček) et plus récemment Walton pour la création mondiale de Frankenstein (Grey).
    Gurnemanz sera chanté par FranzJosef Selig. La basse allemande s’est forgé une grande renommée notamment grâce à ses célèbres interprétations de rôles wagnériens comme Gurnemanz (Parsifal), Daland (Der fliegende Holländer) ou encore Fasolt (Das Rheingold), et mozartiens tels que Sarastro (Die Zauberflöte) et Osmin (Die Entführung aus dem Serail). À la Monnaie il fut, entre autres, Arkel dans Pelléas et Mélisande de Debussy, deux fois Camilio dans Wintermärchende de Boesmans et le König Marke dans Tristan und Isolde de Wagner sous la direction d’Alain Altinoglu.
    Pour le rôletitre, la Monnaie aura le plaisir d’accueillir à nouveau Julian Hubbard. Il y a déjà interprété Jager (Rusalka, Dvořák)  un Cappadocien dans Salome (Strauss). Il se reconvertit en ténor auprès de Janice Chapman en 2014, et fait ses « seconds débuts » dans le rôle de Jimmy Mahoney (Aufstieg und Fall der Stadt Mahagonny, Weill) à Dublin. Il fera ses débuts dans le rôle de Parsifal avec cette production.

    Le barytonbasse autrichien Martin Winkler . En 2020, il devait interpréter Ochs dans Der Rosenkavalier (Strauss) à la Monnaie où il a déjà chanté en 2009 le rôle de Black Minister (Le Grand Macabre, Ligeti). Spécialiste du répertoire wagnérien, c’est avec le rôle de Klingsor qu’il a fait ses débuts.
    EvaMaria Westbroek reviendra à la Monnaie pour le rôle de Kundry qu’elle a déjà interprété au Metropolitan Opera de NewYork. La mezzosoprano néerlandaise a bâti une brillante carrière internationale qui la menée dans toutes les plus grandes salles d’opéra et de concert avec le même succès. Ses débuts àla Monnaie remontent à2008, dans le rôle de Donna Leonora di Vargas (La forza del destino), suivi par des interprétations de Chrysothémis (Elektra, 2010), Manon Lescaut (2013) et Santuzza (Cavalleria rusticana, 2018).
    (Bozar, 17, 19 et 21 mai 2022)

     

  • Dans la descendance wagnérienne, on placera Alban Berg avec son second opéra Lulu qui revient dans la prodigieuse production de Warlikowski. Peter de Caluwe a dit, lors de sa conférence de presse, qu’il n’aurait jamais repris cette production si l’interprète principale de la création, Barbara Hannigan, refusait de revêtir à nouveau le rôle-titre –qu’elle avait d’ailleurs interprété pour la première fois à la Monnaie. Entre-temps, elle est devenue une des interprètes de Lulu les plus réputées de tous les temps. Barbara Hannigan a prêté sa voix à de nombreuses productions d’opéra moderne à la Monnaie. Elle a débuté dans le rôle de Vénus dans Le Grand Macabre (2009) de Ligeti, interprété la même année The Woman dans la création mondiale de House of the sleeping Beauties de Kris Defoort, et le rôle-titre dans Matsukaze de Toshio Hosokawa. Lors de la saison 2018-19, elle a pour la première fois officié comme cheffe d’orchestre à la Monnaie pour la version semi-scénique de The Rake’s Progress d’Igor Stravinski.
    (La Monnaie, 2, 4, 7, 9, 12, 14, 16 & 18 novembre 2021)

    Barbara Hannigan dans Alban Berg, Lulu – Production Warlikowski – DE MUNT / LA MONNAIE LULU .2012
  • Parmi les admirateurs et les suiveurs de Wagner, on rangera De kinderen der zee de Lodewijk Mortelmans. Bien que la peinture postromantique résonne déjà bruyamment dans le fracas et le ressac de la mer, dans son seul et unique opéra, il s’en tient encore aux idées du romantisme tardif. Les lignes musicales chromatiques, l’utilisation des Leitmotive tant pour la mer que pour la fatalité, et la lourde orchestration avec une section cuivres très présente s’inspirent clairement de Richard Wagner et de son Fliegende Holländer. De plus, les théories wagnériennes sur la promotion de la culture patriotique faisaient écho aux idées sur l’art collectif dont Peter Benoit avait imprégné Mortelmans.
    (Bozar, 17 et 20 octobre 2021)
  • Des ennemis intimes, Giacomo Meyerbeer fut le plus jalousé et le plus détesté. Cela n’empêcha pas Wagner de se lancer à son tour sur le chemins du Grand Opera à la française. Avec Les Huguenots, Meyerbeer signe l’une de ses œuvres les plus ambitieuses centrée sur le thème du fanatisme au cœur d’une grande fresque historique. La Monnaie reprend ici la production d’Olivier Py avec une distribution renouvelée.
    (La Monnaie, 12, 15, 18, 21, 23, 26 & 29 juin et 2 juillet 2022)
  • Comme arme anti-wagnerienne, Carmen de Georges Bizet fut un élément de choix dans les mains de Frederich Nietsche pour attaquer le maître de Bayreuth. La production vient du Festival d’Aix-en-Provence où elle provoqua une bataille digne d’Hernani ! Pour l’avoir vu (et adoré), cette production de Dmitri Tcherniakov, je peux vous annoncer des débats passionés autour de cette mise en scène. De toutes façons, la distribution vocale, Stéphanie d’Oustrac (Carmen), Michael Fabiano (José) et Elsa Dreisig (Michaela), en alternance avec Eve-Maud Hubeaux, Andrea Carré et Anne-Catherine Gillet, mérite votre attention.
    (La Monnaie, 23, 25, 27, 30 janvier, 1, 3, 5, 6, 8,10,11,13 février)
Bizet, Carmen – La Monnaie, 2022 – © Pascal Victor
  • La partie italienne de la saison proposera pour les fêtes de fin d’année la Norma de Bellini (décembre 2021), un compositeur admiré par Wagner qui programma l’opéra quand il était en poste à Riga. Et le printemps verra fleurir le Tryptique de Puccini, lui aussi assimilateur du wagnérisme dans l’idiome de l’opéra italien (mars-avril 2022). Quant à l’opéra contemporain, ce ne seront pas moins de quatre partitions The Time of Our Singing de Kris Defoort (septembre), Zelle, Wenn es dunkel wird de Jamie Man (mars 2022), Is this the end ? Part II de Jean-Luc Fafchamps (avril 2022) et A song for the moon de Mathilde Wantenaar (juin 2022) qui illustreront la vitalité de la création lyrique contemporaine. Gageons que pour tous ces jeunes compositeurs, Wagner soit devenu un pièce de musée que l’on visite par habitude…
  • Pour plus d’informations www.lamonnaie.be

 

Benoit van Langenhove