Le fils de Richard Wagner était compositeur, chef d’orchestre, metteur en scène, scénographe et directeur de festival de 1908 à 1930, un véritable artiste dont la  créativité était infatigable comme nul autre de son art.

En 1869, Wagner vivait dans le calme de sa retraite de Tribschen, près de Lucerne où il s’était réfugié depuis 1866. Cosima s’était installée définitivement auprès de lui avec ses quatre filles. De sa relation avec Cosima naquit le 6 juin 1869 un fils. Une troisième fois – après la naissance d’Isolde le 10 avril 1865 et d’Eva le 17 février 1867 – Wagner goûtait aux joies de la paternité. La naissance de cet héritier fut considérée par le maître comme un événement extrêmement propice. A cet enfant qui venait rajeunir son âge mûr, il donna le nom de Siegfried. On imagine aisément quels sentiments avaient dicté un pareil choix. Depuis la fin de l’année 1868, Wagner avait repris après une interruption de 12 ans, la composition de la seconde Journée de la Tétralogie. Le 23 février 1869, il avait achevé la partition du deuxième acte. Dès le 1er mars, il avait mis en chantier l’ébauche de composition du troisième acte. Cosima ne put tenir son journal pendant quelques jours en raison de ses couches et c’est Richard qui prit la plume. Voici ce qu’il écrivit en date du 6 juin 1869 : « Il regardait droit devant lui, empli de la sublime grandeur de l’instant. A cet instant, il fut surpris par un flamboiement d’une incroyable beauté qui s’était allumé à la tapisserie orange de la porte de la chambre avec un éclat encore jamais vu et qui se reflétait sur un coffret bleu orné de mon portrait, si bien que celui-ci, recouvert d’une plaque de verre et enchâssé dans un petit cadre d’or se transfigurait d’une splendeur surnaturelle Le soleil venait de se lever au-dessus du Rigi et avait jeté dans la pièce ses premiers rayons : le plus glorieux dimanche éclatait de ses feux. » Au même moment, les derniers vers de la seconde journée de l’Anneau du Nibelung, « Leuchtende Liebe, lachender Tod » étaient mis en musique….
Comme second prénom, on lui donna celui d’Helferich, signifiant étymologiquement secourable et qui est le nom du frère médecin de Wieland le forgeron. Ce n’est que le 4 septembre 1869 qu’eut lieu le baptême de Siegfried, dont Judith Gautier fut la marraine.

La présence de ce petit Fidi – car tel était son sobriquet – et aussi de ses sœurs et des filles aînées de Cosima, Daniela et Blandine (von Bülow), fut une des plus grandes joies des vingt dernières années de la vie de Wagner. A la naissance de l’enfant, il s’écriera : « Mon fils ! Combien ces mots me parlent au coeur ! Penser que cela m’a été enfin accordé !» Et à Cosima, il déclara le 6 mai 1873 : « […] La mort d’un de nos enfants serait ma mort ». Il aimait jouer et plaisanter avec eux ; en leur présence, il redevenait jeune jusqu’à la folâtrerie : « Sans eux, nous serions trop sérieux ».

Et lorsqu’en novembre 1870, Richard travailla à la composition de « Siegfried-Idyll » ou « Tribschen-Idyll avec chant d’oiseau de Fidi et aube orangée, présentés comme vœux d’anniversaire symphonique à sa Cosima par son Richard », cette œuvre destinée à être offert en cadeau à Cosima pour son anniversaire, il visait certes à célébrer le monde bienheureux de Tribschen et de ses paisibles joies domestiques mais surtout la naissance de son fils et le bonheur de la paternité.

Alors écoutons en ce jour des 150 ans de la naissance du fils de Richard ce poème symphonique, l’une des plus poétiques compositions qui soient sorties de la plume de Wagner et que Nietzsche, alors très éloigné de son ancien mentor, qualifiait de « musique gaie et profonde comme un après-midi d’octobre. »

Origine : Cercle Richard Wagner Lyon