Donald McIntyre restera pour les mélomanes wagnériens l’incarnation même de Wotan et l’un des interprètes les plus marquants du XXe siècle. Sa voix puissante, son intelligence dramatique et son engagement scénique ont façonné une légende qui continue de résonner dans l’univers lyrique.
Né à Auckland en 1934, Donald McIntyre s’est imposé comme l’un des basses-barytons les plus influents de sa génération, construisant une carrière internationale qui l’a mené du Royal Opera House de Londres au Metropolitan Opera de New York, et bien sûr au Bayreuth Festival, temple de Wagner.
Carrière et apogée wagnérienne
Après des études londoniennes à la Guildhall School of Music and Drama, Il fait ses débuts professionnels en 1959 avec le Welsh National Opera et s’impose très vite sur la scène britannique grâce à une voix profonde, une présence magnétique et une intelligence dramatique. En1964,il crée en le rôle du Stranger dans Martin’s Lie de Menotti. Il effectue ses débuts à Bayreuth en 1967, où sa carrière prend une dimension mythique.
Pour les wagnériens, son nom reste indissociable de Wotan dans la mise en scène de Patrice Chéreau à Bayreuth en 1976. Ce « Ring du centenaire » a marqué l’histoire de l’opéra, et McIntyre y a incarné un dieu à la fois majestueux et vulnérable, capable de faire ressentir toute la complexité humaine derrière la figure mythologique. Ses gestes mesurés, son regard voilé par le bandeau, et sa diction incisive ont donné une profondeur psychologique rarement atteinte dans ce rôle. McIntyre et Chereau se retrouverons dans la poignante production d’Elektra au Festival lyrique d’Aix-en-Provence.
Mais son art ne se limitait pas à Wotan. Hans Sachs dans Die Meistersinger von Nürnberg, le Hollandais dans Der Fliegende Holländer, ou encore Telramund dans Lohengrin au Metropolitan Opera, comptent parmi ses incarnations marquantes. À Bayreuth, il fut aussi un Wanderer méditatif, un Kurwenal fidèle, un Amfortas bouleversant et un Klingsor inquiétant. Chaque rôle portait la marque de son intelligence musicale et de son engagement dramatique.
Au-delà de la scène, McIntyre était reconnu pour sa générosité humaine et son rôle de mentor auprès des jeunes chanteurs. Les institutions qui l’ont accueilli – Bayreuth, le Met, Covent Garden – saluent aujourd’hui un artiste qui a su allier puissance vocale et profondeur spirituelle.
La Belgique l’a accueilli quelques fois sur ses scènes lyriques : dans la production d’Assassinio nella cattedrale d’Ildebrando Pizzetti dirigé par Colin Davis (en juin 1962), Barak dans Die Frau ohne Schatten de Richard Strauss en janvier 1968, le vieux bagnard dans Lady Macbeth de Mtsensk de Dimitri Chostakovitch et, en compagnie de José van Dam, Arkel dans la production du Pelléas et Mélisande d’Herbert Wernicke dirigé par George Benjamin (1999).
Héritage pour les wagnériens
Pour les passionnés de Wagner, Donald McIntyre incarne l’idéal du chanteur-acteur : un artiste capable de donner chair et âme aux personnages, de transformer la scène en miroir des dilemmes humains. Son Wotan reste une référence absolue, non seulement par la beauté du timbre, mais par la vérité dramatique qu’il a su insuffler.
Son héritage est celui d’un chant habité, d’une parole sculptée dans la musique, et d’une présence qui transcende le temps. Les wagnériens continueront de l’écouter, de le revoir dans les archives, et de transmettre son nom comme celui d’un maître.
