© Théâtre du Châtelet - Marie-Noëlle Robert

Créé à l’Opernhaus de Zurich et repris au Châtelet à Paris, le Ring de Richard Wagner, mis en scène par Robert Wilson, a été accueilli avec un mélange d’admiration pour l’univers visuel du metteur en scène et de réserves quant à la distance instaurée entre cette mise en scène abstraite et la force dramatique de Wagner. Si le chef autrichien Franz Welser-Möst a reçu des éloges sur la netteté de sa direction orchestrale, par contre son collègue parisien, Christoph Escenbach à la tête de l’Orchestre de Parisdont il est le directeur musical, a été crédité d’une lecture certes élégante mais jugée trop prudente en raison d’un manque de relief dans les attaques et d’imprécisions rythmiques. Pour illustrer le débat, nous avons ressorti deux extraits des critiques de Christian Merlin pour le Figaro et Renaud Machart pour Le Monde :

On rencontre toujours une nouvelle production du Ring avec un mélange d’appréhension et d’excitation, comme l’approche d’un voyage inaugural. C’est particulièrement vrai avec Bob Wilson, car c’est un peu un coup de dés. Il crée toujours la même mise en scène, et la seule chose qui compte est de voir si l’œuvre fonctionne avec son système. Avec Pelléas, ça fonctionne. Maintenant, on sait que ça fonctionne aussi avec Das Rheingold. Comme par hasard, des univers intemporels, avec un symbolisme très fort. Car finalement, pour mettre en scène Wagner, il n’y a vraiment que deux options : un cadre historique très marqué (peu importe la date exacte ou la transposition) ou, à l’inverse, une pureté qui souligne son universalité. Wilson opte pour la seconde et y parvient, comme Wieland Wagner avant lui, par l’absence de décors : libéré des accessoires, on peut se concentrer sur l’essentiel, et c’est l’éclairage, d’une subtilité inouïe, qui s’insère entre les lignes du texte.
Le Figaro, Magie subtile des lumières L’Or du Rhin de Richard Wagner au Châtelet, 21 octobre 2005.

L’aventure scénique de Robert Wilson, au théâtre comme à l’opéra, est déterminante et poussée jusqu’à l’archétype. L’Américain a certainement renouvelé une manière de mettre en scène et en images le drame lyrique (il conçoit aussi décors et lumières), avant de la figer à nouveau : comme tous les artistes au style très repérable et aux activités nombreuses, il a tendance au recyclage et au copié-collé. Très inspiré du théâtre japonais, décanté, mimé, pratiquant l’ombre chinoise comme l’éclairage sursaturé, son travail convient surtout aux opéras sans action, aux fresques ou aux ouvrages à la grecque comme Alceste et Orphée et Euridyce de Glück, qu’il avait montés avec succès, il y a six ans, au Théâtre du Châtelet également (Le Monde du 14 octobre 1999).

Pour cette Tétralogie, les fans de Wilson aimeront retrouver les kimonos cubistes, les découpes rasantes de lumière, les fonds d’écran à la manière de ces levers de soleil qu’on voit en avion, où les couches lumineuses de ciel superposées semblent une variation infinie sur les tableaux de Mark Rothko. Pour notre part, on dira s’être ennuyé à cette mise en images de L’Or du Rhin qu’on dirait programmée par un logiciel.
Le Monde, Un « Or du Rhin » analytique et décanté, 20 octobre 2005.