Lors de la dernière conférence de Benoit van Langenhove sur les paysages de Mahler, Philippe Givron et l’orateur ont engagé une discussion autour de l’emploi, dans le 3e mouvement de la Troisième Symphonie d’un cor de poste. Cet échange s’est poursuivi par mail.
Histoire du cor de poste (d’après Wikipedia)
Le cor de poste, également appelé cor de postillon, est un instrument de musique emblématique qui a traversé les siècles avec des usages variés et une symbolique forte. Voici un aperçu de son histoire :
Origines et premiers usages
Le cor de poste trouve ses racines dans l’Antiquité, où il était utilisé comme instrument d’alerte. On en trouve des mentions dans des textes anciens, y compris la Bible. Au Moyen Âge, il était employé par les bouviers pour signaler leur arrivée dans les villages, et par les messagers pour avertir les maîtres de poste de leur venue.
L’âge d’or du cor de postillon
Au XVIe siècle, les messagers de la famille de Tour et Tassis, qui géraient les services postaux dans le Saint-Empire romain germanique, adoptèrent le cor comme outil essentiel. Il servait à signaler leur arrivée, à demander l’ouverture des portes des villes la nuit, et à prévenir les passages dangereux. Cet usage s’est répandu dans toute l’Europe, et le cor est devenu un symbole du système postal.
Déclin et héritage
Avec l’évolution des moyens de communication et de transport, l’usage du cor de poste a diminué au XIXe siècle. Cependant, il reste un symbole fort, notamment dans l’iconographie des administrations postales. Par exemple, le cor postal est encore utilisé comme logotype par la Deutsche Post en Allemagne et CarPostal en Suisse.
Influence musicale et culturelle
Le cor de poste a également laissé une empreinte dans la musique classique. Des compositeurs comme Mozart, Beethoven et Mahler ont intégré des références au cor de postillon dans leurs œuvres, souvent pour évoquer une ambiance romantique ou pastorale.
La 3e symphonie de Mahler
La Troisième Symphonie est l’une des plus ambitieuses de Mahler, explorant les relations entre l’homme, la nature et le cosmos. L’épisode du cor de poste dans le troisième mouvement (Scherzo) illustre parfaitement la manière dont Mahler manipule l’espace sonore pour créer une narration émotionnelle et symbolique. Le cor de postillon est placé hors scène, créant une séparation physique et sonore avec le reste de l’orchestre. Il y a un dialogue entre le cor distant et les instruments sur scène, intégrant un contraste de texture et d’émotion. Le timbre du cor évoque une atmosphère pastorale et introspective. Mahler utilise le cor de postillon pour raconter une histoire auditive qui transcende les limites traditionnelles de la symphonie. L’épisode du cor de poste est un moment d’évasion, reliant l’auditeur à des émotions universelles telles que la nostalgie et la réflexion.
Le mystère du « Cor de poste » dans la Troisième Symphonie de Mahler : une exploration minutieuse
Dans la Troisième Symphonie de Mahler, le troisième mouvement intrigue souvent par l’indication d’un « Cor de poste ». Cependant, les recherches menées récemment par Philippe Givron et Benoit van Langenhove, enrichies par des références de divers experts, révèlent un tableau fascinant.
Tout d’abord, l’étude de Benoit dans l’analyse de Peter Franklin (*The Cambridge Companion to Mahler*, 1991) met en lumière les hésitations de Mahler quant à l’instrumentation. Initialement désigné comme une « trompette en si bémol », l’instrument évolue pour devenir un « Flügelhorn » dans la première édition, avant d’être finalement noté comme « Posthorn » dans une réimpression. Cette oscillation entre terminologies illustre une quête sonore où Mahler semble vouloir recréer l’esprit d’un cor de postillon, sans toutefois se limiter à un instrument spécifique.
Philippe Givron, de son côté, approfondit cette piste en examinant les détails de la partition. Il remarque que Mahler inclut des annotations détaillées pour guider l’interprétation : des effets de distance tels que « wie aus weiter Ferne » (comme venu de loin) et « sich etwas nähernd » (se rapprochant légèrement), ou encore des nuances subtiles comme « frei vorgetragen » (interprété librement) et « sehr gemächlich » (très tranquille). Ces indications, combinées aux exigences techniques élevées – notamment des passages en piano dans l’aigu – soulignent la complexité de l’exécution et renforcent l’idée que Mahler souhaitait un « esprit » du cor plutôt qu’une reproduction technique stricte.
L’instrument en question, le Flügelhorn, est décrit comme ayant une perce conique plus marquée que celle d’un cornet. La présence de pistons, nécessaires pour jouer certaines notes de la partition, exclut tout instrument naturel ou rudimentaire. Philippe rappelle également que le piston n’a été largement adopté qu’à partir du XIXe siècle, renforçant ainsi l’idée que l’indication « Cor de poste » renvoie davantage à une référence romantique qu’à un instrument spécifique.
Enfin, Philippe conclut que l’exécution de ce passage requiert une expertise exceptionnelle et que Mahler documente chaque détail avec une minutie remarquable. L’esprit romantique du cor de postillon se mêle ainsi à une rigueur technique rare, offrant une richesse d’interprétation aux chefs d’orchestre.