Fuyons ce monde cruel, certes, mais alors avec une caisse d’enregistrements des opéras de Richard Wagner.
Deux de nos membres, Georges te Kolsté et à Edmond Masuy, ont décidé de fuir la civilisation ont proposé la discographie wagnérienne idéale à emporter sur une île déserte. Il est apparu rapidement aux deux amis qu’ils ne pouvaient pas être d’accord sur tout et qu’ils partiraient chacun sur des îles différentes mais néanmoins très voisines. Un double choix va donc être proposé. Le choix d’Edmond est imprimé en caractère droit, celui de Georges en caractères italiques.

Les opéras de jeunesse

Les fées

Œuvre de jeunesse d’un Wagner de vingt et un ans (basée sur une pièce de Gozzi) qui n’apporte vraiment rien à sa gloire. Il est à remarquer que le compositeur a interdit toute représentation de cet opéra qui ne fut créé qu’en 1888 à Munich !!

Das Liebesverbot

Créé à Magdeburg en 1836 d’après une pièce de Shakespeare (« Measure for measure ») Das Liebesverbot ne connut plus de représentation après la première avant 1923 !! Son humour primaire et un peu cru ne rend nullement justice à celui subtil du grand Will. Quant à la musique mieux vaut ne pas s’appesantir dessus. Dans un moment de « délire » wagnérien, j’ai acheté une version complète de cet opéra, mais j’avoue ne l’avoir écoutée qu’une seule fois et en me forçant !!

Rienzi

Fut un grand succès à sa création à Dresde en 1843. Il semble interminable même dans sa version abrégée. La version intégrale (?) dure cinq heures. C’est du grand opéra à la sauce allemande qui, d’après moi, est inférieur aux meilleures œuvres de Meyerbeer ou d’Halévy. Il est à remarquer que lors du premier séjour de Wagner à Paris, Rienzi fut refusé par l’opéra de Paris.

Conclusion d’Edmond

A mon avis, aucun de ces trois opéras ne mérite l’achat d’une œuvre intégrale, investissez plutôt votre argent dans une version supplémentaire des chefs-d’œuvre de Wagner (Ring, Tristan ou Parsifal).

Deux extraits méritent l’écoute : l’ouverture, dont il existe de nombreuses et excellentes versions et la prière de Rienzi à l’acte V.

Si vous tenez absolument avoir tout Wagner dans votre discothèque, la critique recommande l’album Orfeo (9 CD) reprenant ces trois opéras de jeunesse par Wolfgang Sawallisch et les forces de l’opéra de Munich.

 

 Avis et conclusion de Georges

Je ne me suis jamais intéressé aux opéras de jeunesse. Je suis donc sans avis sur ce sujet. Ne subsiste pour moi que l’ouverture de Rienzi, qui est un chef-d’œuvre absolu mais dont il n’y a pas lieu de traiter ici. Le sujet des extraits symphoniques de Wagner méritant à lui seul une étude particulière.

 

Les opéras bayreuthiens (les opéras de la maturité)

Un must pour tout wagnérien qui se respecte, est le gros album édité par Decca reprenant les dix opéras de maturité dans des versions live enregistrées à Bayreuth.

Cinq opéras dirigés par Böhm (Tristan et le Ring complet) à classer parmi les versions de référence, trois opéras dirigés par Sawallisch (Fliegende Holländer, Tannhäuser et Lohengrin), les Meistersinger dirigés par Varviso, une version banale qui n’apporte rien à la discographie de cet opéra et enfin Parsifal sous la direction de Levine, version vocalement correcte, mais très peu inspirée.

Pour moi, les trois versions de Sawallisch posent le problème de Silja, une cantatrice avec une présence extraordinaire et un talent supérieur de comédienne, mais dont la voix émet parfois des stridences qui ne s’adaptent pas à tous les rôles. Si je peux admirer sa version hallucinée de Senta dans le Holländer, je l’aime nettement moins dans l’Elisabeth de Tannhäuser et je trouve qu’elle est hors sujet dans l’Elsa de Lohengrin où elle est peu crédible en vierge apeurée. Je comprends que ces commentaires ne feront pas l’unanimité car beaucoup de wagnériens sont des fans de Silja qui fut aussi la plus extraordinaire Salomé des années 60 à 80.

Il est évident que trouver une édition complète des opéras de Wagner qui soit satisfaisante de bout en bout relève de la mission impossible. Georges souscrit à l’avis d’Edmond avec des réserves qui apparaîtront à l’examen de chaque opéra.

 

Der fliegende Holländer (Dresde 1843)

SI vous faites abstraction d’une qualité sonore moyenne (Naxos live 1944 opéra de Munich) mais plus qu’acceptable, le meilleur Holländer est incontestablement celui dirigé par Clemens Krauss avec l’incomparable Hotter dans le rôle titre.

Deux live pirates de (Bayreuth) Knappertsbusch (1955 Melodram) avec Uhde et Varnay et Keilberth (1956 Melodram) avec London et Varnay méritent certainement une place dans votre discothèque d’autant plus que chœurs et orchestre atteignent au sublime.

Une version studio peut également être considérée comme un achat potentiel, c’est celle de Klemperer avec le New Philharmonia (1968 EMI). Cette version brille surtout par la qualité de l’orchestre : son et interprétation sont superbes, Silja toujours hallucinée dialogue mieux avec Klemperer qu’avec Sawallisch.

La critique recommande également la version studio de von Karajan (1981-3 EMI) à la tête de la Philharmonique de Berlin avec José Van Dam dans le rôle-titre.

La version Sawallisch (Bayreuth), citée plus haut s’impose sans réserve. Sawallisch avec la complicité de Silja, crée une atmosphère et une intensité dramatique unique. De plus, et c’est généralement repris dans les livrets qui accompagnent les éditions en disques (vynil ou CD), Wolfgang Sawallisch restitue la tonalité originelle du grand air de Senta que Wagner avait accepté de baisser d’un ton à la demande de la créatrice du rôle Wilhelmine Schröder-Devrient

Tannhäuser (Dresde 1845, Paris 1861, Vienne 1875)

Pour cette  œuvre se pose d’abord le choix de la partition. On sait que Wagner la remania à plusieurs reprises et n’en était pas encore totalement satisfait à la fin de sa vie (voir à ce sujet l’article sur WIKIPEDIA). Pour faire simple, disons que la version de Paris diffère principalement de la version de Dresden par la présence d’un ballet au début du premier acte (Bacchanale du Venusberg). C’est le Directeur de l’Opéra de Paris, Alphonse Royer, qui exigea de Wagner l’insertion d’un ballet car, selon lui, le public parisien de 1861 était persuadé que tout opéra digne de ce nom devait comporter un ballet. La version dite de Vienne est une version de Paris légèrement modifiée.

Malgré certaines imperfections évidentes (orchestre parfois plus bruyant que brillant, Wolfram très quelconque et Elisabeth moyenne) je pense que la version studio de Solti (Decca 1971) est incontournable (version de Paris).

Autre version studio au sommet de la hiérarchie (version de Dresden) celle de Konwitschny (EMI 1960) à la tête de l’excellent orchestre et des chœurs de l’opéra de Berlin avec une excellente Grümmer dans le rôle d’Elisabeth et un sublime Fischer-Dieskau dans celui de Wolfram, malheureusement H. Hopf n’est qu’un Tannhäuser correct.

Si vos préférences vont au enregistrement public, choisissez la version Keilberth de Bayreuth 1954 éditée par Golden Melodram (version de Dresden) avec une distribution quasi parfaite dominée par Vinay (Tannhäuser) et Fischer-Dieskau (Wolfram).

Si vous voulez entendre probablement le plus grand Tannhäuser de tous les temps et que vous n’êtes pas rebuté par un son mono très moyen, achetez le live du Met de 1941, version de Dresden, dirigé par Leinsdorf avec un Melchior supérieur et un Janssen splendide (Walhall).

Georges ne s’intéresse pas à distinguer les différentes versions. Ce qui compte pour lui, c’est le résultat global. A côté des versions de Dresden, Paris et Vienne, il existe des versions hybrides obtenues en faisant un choix entre les différentes variantes de ces trois versions. La plus célèbre est celle concoctée par Wieland Wagner et Wolfgang Sawallisch pour la production de Bayreuth de 1961 avec Victoria de los Angelès dans le rôle de Elisabeth. A la reprise, en 1962, Silja remplace de los Angelès et Philips enregistre plusieurs représentation et édite un montage qui est pour moi le Tannhäuser qui s’impose comme maître achat, la présence de Silja n’étant pas le moindre argument en sa faveur. C’est cependant moins péremptoire que dans le Fliegende Holländer. La prestation de Wolgang Windgassen dans le rôle principal est bouleversante. Qui a été plus émouvant ?  =

Lohengrin (Weimar 1850)

Suite à sa participation à la révolution de 1848, Wagner dû fuir Dresde et fut interdit de séjour dans la plupart des royaumes allemands. Ce fut son ami Liszt qui dirigea la première de Lohengrin à Weimar en 1850.

Si vous n’envisagez l’achat que d’une seule version de Lohengrin, il n’y a pas à hésiter, il faut choisir la version studio de Kempe (1964 EMI) : orchestre splendide (Philharmonique de Vienne) et distribution quasi parfaite.

Si vos préférences vont au live, deux « pirates » de Bayreuth s’imposent : Cluytens (1958 Walhall) et von Matacic (1959 Orfeo),  difficiles à départager d’autant plus qu’elles partagent le même Lohengrin (Konya) et le même Telramund (Blanc). J’ai quand même une légère préférence pour la version Cluytens (direction plus poétique que celle de von Matacic et l’Ortrud de Varnay supérieure à celle de Gorr).

Une version légèrement en retrait par rapport aux deux précédentes est celle de Jochum (live Bayreuth 1954 Archipel). SI la direction de Jochum est exemplaire (n’oublions pas qu’il fut un des grands chefs wagnériens de sa génération) à mon grand étonnement c’est Windgassen qui est le point faible de cette version.

Enfin si vous voulez dans votre discothèque un témoignage de la période d’or (les années 30 à 40) de l’opéra wagnérien vous choisirez le live du Met dirigé par Leinsdorf (1940 Arkadia) et vous pourrez entendre Melchior et toutes les vedettes de cette époque. Tenants de l’ultra haute-fidélité s’abstenir !!

Georges partage totalement l’admiration d’Edmond pour la version de Rudolf Kempe et ne cherche pas plus loin.

Tristan et Isolde (Munich 1865)

La partition de Tristan est si riche et les interprétations si variées qu’il est quasi impossible de se limiter à une seule version !

Si vous privilégez les voix de Tristan et d’Isolde, vous écouterez le couple légendaire (Melchior-Flagstadt) soit dans la version live de Reiner à Covent Garden avec le London Philharmonic (1936 Radio Years) dont le son est assez moyen mais surtout le live du Met de 1941 dirigé par Leinsdorf ( Walhall) nettement mieux enregistré. Evidemment aucune de ces deux versions ne satisfera les fanas de la haute-fidélité.

Si, au contraire, pour vous, la passion est l’élément essentiel de Tristan, vous donnerez la préférence au live de Bayreuth de 1952 où sous la direction d’un jeune Karajan, Mödl et Vinay se consument d’amour ( Orfeo).

Si vous cherchez une vision habitée de l’œuvre avec un orchestre splendide par le plus grand chef wagnérien de tous les temps, la version Furtwängler vous comblera même si Flagstad n’est plus l’Isolde des années 40.

La version de Böhm (live Bayreuth 1966 Decca ou DGG) est sûrement la plus équilibrée même si dans le duo d’amour du deuxième acte Windgassen est écrasé par Nilsson (audiblement il se ménage) alors qu’au troisième acte il est sublime et la direction de l’orchestre de Böhm est exceptionnelle.

La version studio de Carlos Kleiber repense entièrement l’œuvre et son Isolde n’a jamais chanté le rôle sur scène. Margaret Price est une soprano lyrique et pourtant on croit à son Isolde : illusion ou magie du disque ?

Enfin si votre choix privilégie une version actuelle, faite l’acquisition d’une version avec Nina Stemme comme Isolde. Je ne recommanderai par la version Papano malgré mon admiration pour ce dernier, car personnellement je n’aime pas les interprétations wagnériennes de Domingo (Tristan). En outre je suis persuadé que ténor ou baryton, le temps de la retraite est venu pour lui !! Vous vous rabattrez donc sur la version live d’un concert à la Philarmonique de Berlin dirigée par Marek Janowski (2012 Pentatone) avec Nina Stemme et Stephen Gould accompagné par l’orchestre et les chœurs de la radio de Berlin.

Pour les curieux dont Tristan est l’œuvre favorite, je recommande encore deux live : le premier de Bayreuth sous la direction de Jochum (1953 Andromed) avec Varnay et Vinay dans les rôles-titres (seul enregistrement d’Isolde par Varnay, une des gloires du Neues Bayreuth), le second un live londonien de Böhm (1960 Pristine : facilement acquérable chez l’éditeur via internet) peut-être plus équilibré en ce qui concerne le duo du deuxième acte où Vinay n’est pas écrasé comme Windgassen par Nilsson.

La version Furtwängler s’impose sans aucune réserve. Enregistrée en 1952, dans une qualité sonore qui n’avoue pas son âge, c’est le premier enregistrement en studio de l’œuvre sans coupure. Aucun autre chef n’a réussi à extraire de l’œuvre toute la richesse que celle-ci contient. Les solistes, individuellement excellents, s’inscrivent parfaitement dans la vision d’ensemble du chef qui est transcendante.

Le ring des Nibelungen (première dans son intégralité Bayreuth 1876)

Je crois que tout wagnérien qui se respecte doit posséder la version studio de Solti (1958-64 Decca). Même si celle-ci n’est pas parfaite, le son royal de l’Orchestre Philharmonique de Vienne et la distribution la meilleure possible au moment de l’enregistrement la rendent incontournable.

Autre version studio celle de Karajan avec le Philharmonique de Berlin (1967/70DGG) : un merveilleux poème symphonique avec voix obligées. SI vous estimez que l’orchestre est l’élément essentiel du Ring, n’hésitez pas, cette version est pour vous. Dans le cas contraire, faites plutôt l’impasse sur celle-ci.

Si vous cherchez une version récente avec les futurs chanteurs de demain, écoutez la version studio de Van Zweden, un chef wagnérien méconnu, à la tête de l’orchestre de… Hong Kong, qui domine parfaitement son sujet (2015/8 Naxos) avec une page d’anthologie : les adieux de Wotan par Mathias Goerne au troisième acte de Walkyrie).

La version live la plus intéressante est celle de Clemens Krauss à Bayreuth (1953 Orfeo). Sa direction est nuancée, élégante et pleine d’allant et il dispose de chanteurs irréprochables. Comme le chef décèdera l’année suivante lors d’une représentation au théâtre Colon de Buenos Aires, on détient probablement là une version d’anthologie.

En 1955 l’équipe de Culshaw (Decca) enregistra à Bayreuth en stéréo ( !!) les deux rings de Keilberth avec comme seule différence les rôles de Brünhilde et de Sieglinde : Varnay-Mödl et Mödl-Varnay. Pour ne pas nuire à la version Solti chez le même éditeur, ces deux enregistrements ne furent publiés qu’en 2000 !!! Quelle que soit la version que vous choisissiez, vous ferez un excellent choix, même si personnellement j’ai une légère préférence pour la Brünhilde de Varnay.

Enfin, outsider de poids, le live bayreuthien de Böhm (1966/7 Decca) excellent en tous points sauf pour le Wotan de Adam qui est loin d’égaler Hotter, London, Tomlinson ou Morris : dommage !!

On sait qu’à partir de 1953, EMI avait l’intention d’enregistrer, en studio (une première) un Ring complet sous la direction de Furtwängler. Malheureusement le décès prématuré du chef en 1954, réduisit ce projet à la seule Walkyrie. Essayant malgré tout d’avoir un Ring dirigé par Furtwängler, on fouilla les archives de la RAI et de la Scala de Milan et on exhuma deux Rings complets.Malgré le grand soin pris par la RAI pour cet enregistrement (acte par acte version de concert en public) la critique est assez sévère pour cette version jugeant l’orchestre de seconde zone et ne la recommandant pas.En écoutant la version de la Scala on se rend compte qu’elle n’était pas destinée à être publiée. Même si l’orchestre est meilleur que celui de la RAI, les bruits de scène sont dérangeants, de même que les fluctuations sonores des voix. A réserver aux fanatiques de Furtwängler.

 

Quid du Ring du centenaire qui provoqua un scandale sans pareil à l’époque ? La direction dynamique, fluide et nuancée de Boulez est assez exceptionnelle. Malheureusement la distribution de 1979/80 est déficiente en de nombreux points. Je vous conseille vivement d’oublier la version CD pour acquérir celle en DVD. La direction d’acteurs de Chéreau est exceptionnelle. Il exige des chanteurs qu’ils soient des acteurs accomplis, crédibles dans leur rôle respectif. J’ai eu l’occasion de voir sur écran géant au cinéma de Bayreuth la version DVD du Crépuscule de Boulez. Fascinant. Les plans créés par la caméra de Bryan Large sont supérieurs paraît-il à la réalité de la salle comme le faisait remarquer notre président d’honneur. Dans le final on est à ce point subjugué par le jeu de Gwyneth Jones qu’on oublie qu’elle crie certaines notes alors que sans image cela martyrise les oreilles.

Edmond commente dix versions du Ring. Avant de me limiter à une seule, je fais remarquer que, à mon avis, il faut ajouter d’autres Rings à la liste d’Edmond :

La version de Joseph Keilberth à Bayreuth en 1953, avec pratiquement la même distribution que Clemens Kraus mais avec Martha Mödl dans le rôle de Brünhilde. J’avoue n’avoir jamais compris l’enthousiasme général pour la direction de Clemens Kraus qui formellement et émotionnellement est inférieure à celle de Keilberth.

Les versions de Rudolf Kempe à Bayreuth en 1960 et 1961. Du Ring de 1960, il faut éliminer le premier acte de Die Walküre avec Aase Nordmo-Lövber dans le rôle de Sieglinde. La cantatrice est dans un très mauvais jour et Rudolf Kempe est obligé de s’attacher à mener l’acte à son terme sans accident. Par contre, le même acte, en 1961, avec Régine Crespin dans le rôle de Sieglinde est fabuleux.

La version James Levine avec le Metropolitan Opera de New-York avec trois interprètes qui ont marqué leur rôle : Jessie Norman en Sieglinde, Hildegarde Behrens en Brünhilde et James Morris en Wotan.

Mais le challenge impose de ne retenir qu’une seule version. Dès lors je sélectionne le Ring de Keilberth de 1955 avec Martha Mödl dans le rôle de Brünhilde qui est pour moi celle qui incarne le mieux le rôle. En cachette, j’essaierai d’emporter aussi le Ring de Furtwängler avec la RAI (et encore Martha Mödl) parce que, si cette version présente des défauts formels (qualité de l’orchestre et de la prise de son), le souffle qui anime cette interprétation est inoubliable et n’a jamais été dépassé. Avec Furtwängler, chaque note parle, chaque phrase dit quelque chose et l’ensemble entraîne dans une transcendance qui n’a jamais été égalée.

Il est probablement permis de sélectionner un opéra isolé du Ring. Edmond s’y est essayé :

L’or du Rhin (Munich 1869)

L’or du Rhin est le point fort du live bayreuthien du Ring de Barenboïm (1991 Teldec). La distribution est dominée par l’extraordinaire Alberich de von Kannen, mais comporte également d’excellents Mime et Loge, sans oublier les géants et la très fluide direction de Barenboim. A conseiller vivement.

Georges retient la version Böhm de Bayreuth 1966. C’est le meilleur opéra de ce Ring complet, probablement parce que Böhm adopte des tempi rapides avec une direction très détaillée.

La Walkyrie (Munich 1870)

Même si Franz et Klose ont connu des temps meilleurs, les incomparables Mödl et Rysanek et bien entendu la direction unique de Furtwängler font de l’acquisition de cette version de studio un must (1954 EMI).

Un autre joyau édité par la Decca australienne est la version live de concert londonienne dirigée par Leinsdorf à la tête du LSO avec une pléiade d’excellents chanteurs (entre autres Nilsson, Vickers et London). (1961 Decca Eloquence). Fortement recommandé.

Si comme moi, vous appréciez particulièrement la Walkyrie, je peux encore vous recommander deux versions de studio : la première est celle de Haitink à la tête de l’orchestre de la radio bavaroise avec en vedette Morris et Waltraute Meier, mais surtout un Haitink des grands jours (1988 EMI). L’autre est celle de Gergiev à la tête de son orchestre du théâtre Mariinsky et avec une incroyable pléiade de vedettes : Stemme, Kampe, Kaufmann, Petrenko… mérite une écoute attentive, si pas un achat (2011/2 Mariinsky).

Il me reste encore à vous proposer deux incunables qui doivent impérativement figurer dans toute discothèque wagnérienne : tout d’abord la version studio de 1935 de l’acte I de la Walkyrie avec Walter à la tête de la philharmonique de Vienne avec Melchior, Lehmann et List dans un son incroyable ( Naxos). Merveilleux.

L’autre perle est l’acte III de la Walkyrie un live londonien de 1937 :  Furtwängler à la tête du philharmonique de Londres avec Flagstad et Bockelmann (Myto). Furtwängler au top. Précieux bien qu’à déconseiller aux fanas de la haute-fidélité.

Incontournable version de Wilhelm Furtwängler en 1954. Doit figurer dans toute discothèque wagnérienne.

Siegfried (Bayreuth 1876)

Si vous voulez une fois encore savoir comment sonnait Siegfried au temps de l’âge d’or du chant wagnérien, je puis vous suggérer le live du Met sous la direction de Bodansky avec les insurpassables Melchior, Flagstad… (1937 Guild) pour collectionneur et à déconseiller aux fanas de la Hi-fi.

Georges retient la version de Keilberth de Bayreuth 1953, avec un très bon Windgassen dans le rôle de Siegfried.

Crépuscule des Dieux (Bayreuth 1876)

Il serait impensable que votre discothèque ne contienne aucun fragment du Ring dirigé par ce pilier du Neues Bayreuth que fut pendant plus de quinze ans Knappertsbusch. Une de ses plus grandes réussites fut le live bayreuthien de 1956 ( Melodram). Direction remarquable et distribution sans faille. Un must.

Encore une fois live du Met de l’époque bénie sous la direction de Bodansky toujours avec Melchior mais avec cette fois Lawrence dans le rôle de Brünhilde (1936 Naxos). Cette très séduisante jeune femme à la voix de velours perdit l’usage de ses deux jambes à trente deux ans et continua à chanter couchée. Pour wagnérien curieux.

Georges retient la version de Keilberth de Bayreuth 1953, avec Mödl dans le rôle de Brünhilde. Le final de l’acte 2 est inoubliable.

Les Maîtres Chanteurs de Nuremberg (Munich 1968)

Par rapport à la Walkyrie, à Siegfried et surtout à Tristan, je considère que les Maîtres amorcent un retour vers une forme d’opéra plus conventionnelle. J’avoue que c’est l’opéra de Wagner que j’aime le moins même si je trouve qu’il contient quelques pages d’anthologie comme les deux monologues de Sachs et certaines grandes pages chorales. J’apprécie moins sa germanivité très marquée surtout au niveau du texte et son humour assez pesant. Signalons pour la petite histoire que c’était l’opéra favori de Hitler !

Restée longtemps et pour des raisons inconnues dans les archives de la radio bavaroise, la brillante version studio de Kubelik à la tête des chœurs et de l’orchestre de la radio bavaroise (1967 Arts Archives) est probablement la version la plus recommandable. Version stéréo, elle allie à la direction vivante et dynamique de Kubelik une distribution irréprochable.

Si la version live de Reiner à la tête des chœurs et de l’orchestre philharmonique de Vienne surpasse toutes les autres tant au niveau du chef que des chanteurs, la qualité sonore est nettement inférieure à la précédente (1955 Walhall). A réserver aux wagnériens qui n’attachent à la Hifi qu’une importance secondaire.

La critique considère que la version studio de Jochum à la tête des chœurs et de l’orchestre de l’opéra de Berlin (1976 DGG) est une réussite, soulignant particulièrement la prestation de Fischer-Dieskau en Sachs.

Et Furtwängler me demanderez-vous ? Son live à Bayreuth de 1943 comporte d’insupportables coupures et, prêtée par un ami, j’ai pu me rendre compte combien la qualité sonore en était médiocre. A éviter.

Pour une fois, et c’est tout à fait exceptionnel, Georges partage l’avis de la critique et considère que la version Jochum est incontournable, probablement grâce à la direction, très soignée et très attentive d’Eugen Jochum.

 

 

Parsifal (Bayreuth 1882)

A Bayreuth, Knappertsbusch fut jusqu’en 1964 le chef attitré de Parsifal, il n’existe pas moins de six versions différentes de cet opéra, toutes live de Bayreuth à la fois officielles et « pirates ». La version de 1951 (l’année de la réouverture de Bayreuth) est mythique, grandiose, inspirée et d’après moi indispensable dans toute discothèque wagnérienne (Teldec ou Naxos).

La dernière version du « Kna » (Bayreuth 1964) est totalement différente des précédentes, elle est fiévreuse, plus dramatique surtout au niveau du chant (surtout Vickers et Stewart) et la fin a quelque chose d’inachevé comme si l’œuvre se terminait sur un point d’interrogation  (Orfeo).

Certains reprochent au Kna sa monumentalité et sa lenteur, alors si vous cherchez une version plus lumineuse, limpide et dynamique, je vous suggère un live « pirate » de Bayreuth 1966, dirigé par Boulez, infiniment supérieur à la version officielle en DGG surtout au niveau du chant mais même à l’orchestre ( Golden Melodram). Cette version n’a qu’un défaut : elle est terriblement difficile à trouver.

Certains me reprocheront que  la plupart des versions que je recommande ont plus de cinquante ans, aussi les deux dernières versions que je présenterai sont plus récentes.

La première est un live de 2005 de l’opéra de Vienne sous la direction de Thieleman. Solistes, chœurs et orchestre sont bons, parfois même très bons sans toutefois ne jamais être touchés par l’aile du génie. En outre, je maintiens que Domingo (Parsifal) n’est pas un vrai chanteur wagnérien ( DGG).

La deuxième version est également un live de 2011 de la Radio néerlandaise avec l’orchestre maison et les soli placés sous la direction de Van Zweden, quant aux chœurs de la radio néerlandaise renforcés par une chorale mâle lettone, ils sont dirigés par E. Friedrich (Challenge Classics). Bonne version mais pas au même niveau que les live de Bayreuth. Il est à remarquer que cette version est en SACD.

Georges, dans sa carrière de mélomane, n’a jamais eu d’affinité avec Parsifal qui, soit dit en passant n’est pas un opéra : Bühnenweihfestspiel (festival scénique sacré) suivant l’appellation de Richard Wagner lui-même. Mais il se rallie à la version de Knappertsbusch de 1951 parce que celle-ci a eu lieu dans l’atmosphère particulière de la réouverture du Festival de Bayreuth après la seconde guerre mondiale, comme l’inoubliable neuvième symphonie de Beethoven, sous la direction de Furtwängler.

 

Conclusion

Voici le choix d’Edmond et de Georges pour chacun des opéras de Wagner.  Ce choix fut parfois cornélien et entraina des cas de conscience douloureux mais il s’impose pour tout mélomane désireux de se limiter à une version par œuvre :

 

Opéra

 

Edmond Georges
Holländer

 

Sawallisch 1961(live) Sawallisch 1961(live)
Tannhäuser (Paris)

 

Solti 1971(studio)  
Tannhäuser (Dresden) Keilberth 1954(live)

 

 

 
Tannhäuser (hybride)   Sawallisch 1962 (live)
Lohengrin

 

Kempe  1964(studio) Kempe 1964(studio)
Ring

 

 

Keilberth  1955(live)

Avec Varnay en Brünhilde

Keilberth 1955(live)

avec Mödl en Brünhilde

Or  du Rhin

 

Barenboim 1991(live) Böhm 1966(live)
Walkyrie

 

Furtwängler 1954(studio) Furtwängler 1954(studio)
Siegfried

 

Krauss 1953(live) Keilberth 1953(live)
Göttendämmerung

 

Knappertsbusch 1956(live) Keilberth 1953(live)
Tristan

 

Karajan 1952(live) Furtwängler 1952(studio)
Meistersinger

 

Kubelik 1967(studio) Jochun 1976(studio)
Parsifal Knappertsbusch

1951(live)

Knappertsbusch 1951(live)

 

Le mot de la fin :

Pour établir leur choix, Georges et Edmond se sont basés sur un certain nombre de critères personnels. Pour Edmond, le chef d’orchestre est bien entendu la clef de voute de l’interprétation. Il y a d’une part sa capacité technique à mettre ensemble orchestre, solistes et chœurs et, d’autre part, sa capacité artistique à construire une vision. Un manquement à l’un de ces deux critères élimine une version. La qualité de l’orchestre joue également un rôle. C’est ainsi  que le Ring de Furtwängler dit de la RAI est fortement handicapé par la médiocrité de l’orchestre qui pénalise la vision transcendante du chef. De même, des chanteurs seulement moyens influencent défavorablement une exécution orchestrale superbe. C’est le cas de Theo Adam, Wotan dans le Ring de Böhm, qui n’atteint pas le niveau de Hans Hotter, George London ou James Morris. La qualité de l’enregistrement peut également jouer un rôle, positif ou négatif. C’est pourquoi, par exemple, le RING de Keilberth de 1955 , en stereo,  particulièrement bien enregistré par Decca dans l’intention d’en faire un disque, a été préféré à celui de Krauss de 1953, en mono, qui est une simple captation radio. A contrario, les enregistrements live du MET des années 1935 – 1944, permettent d’entendre, au mieux de leur forme, des chanteurs qui n’ont jamais été surpassés comme Flagstadt , Leider, Lorenz, Melchior, malgré une qualité technique médiocre et aussi un orchestre très moyen. A réserver aux wagnériens fanatiques.

Georges n’entre pas dans ces détails. La réussite musicale et la transcendance de l’ensemble est son seul critère, sachant que la perfection absolue n’existe pas. Par exemple, il ne pénalise pas l’Or du Rhin de Böhm 1966 à cause de Wotan, ni le Tristan de Furtwängler de 1952 parce que Flagstadt n’est plus en possession de tous ses moyens. Le chef d’orchestre est essentiel. Furtwängler domine tout le monde. Juste après lui, on peut retenir, par ordre alphabétique : Eugen Jochum, Joseph Keilberth, Rudolf Kempe, Wolfgang Sawallisch.

Enfin, Edmond et Georges, ensemble, espèrent que leurs avis et commentaires vous aideront à vous retrouver dans la jungle des éditions des opéras de Wagner. De toute façon, ils vous suggèrent, avant d’acquérir un enregistrement d’un opéra, de l’écouter, même plusieurs fois et en effectuant des comparaisons avec d’autres versions, parce que, finalement, c’est votre propre oreille qui aura toujours raison.